Le vieil homme rebondi et barbu, vêtu d'une houppelande rouge, parcourt la planète en une nuit sur un traîneau volant et pénètre dans les cheminées pour en ressortir, malgré sa corpulence, sans une trace de suie. Plus c'est gros, plus ça passe. Le Père Noël n'est pas seulement magicien, il est aussi omniscient, puisqu'il n'ignore rien des souhaits de chacun. Manifestement doté du don d'ubiquité, il est bien entendu immortel.
Dans un texte datant de 1999 et toujours accessible sur son blog (Barbery.net), le psychologue Stéphane Barbery, considère que "faire croire au Père Noël à des enfants, c'est, ni plus ni moins, leur mentir". "En mentant de façon systématique et sur une longue durée aux enfants (...), les adultes créent un précédent", écrit-il. L'enfant, ainsi berné, se demande quel crédit accorder à la parole des adultes et en déduit qu'il peut mentir lui aussi, affirme en substance le psychologue.
Un jugement bien radical, que réfutent la plupart des psys. Pour la psychanalyste Claude Halmos, auteure de Grandir, les étapes de la construction de l'enfant (Fayard, 2009), "le Père Noël est une manière d'incarner l'amour des parents dans un personnage magique. Le merveilleux n'a jamais fait de mal à personne", estime-t-elle. Rien à voir, selon elle, avec le mensonge, "que l'on commet avec la volonté de tromper l'autre". Dominique Tourrès-Gobert, pédopsychiatre et psychanalyste, qui a écrit Il était une fois le Bon Dieu, le Père Noël et les fées (Albin Michel, 1992), partage ce point de vue. "Le mythe du Père Noël, qui s'évapore en une nuit", doit être rapproché de ces "histoires que les enfants inventent à propos de tout", affirme-t-elle.
La plupart des parents s'accommodent de la tradition tout en conservant leurs principes éducatifs. Malgré un "athéisme idéologique" qui s'oppose aux "superstitions de toutes sortes, incompatibles avec l'honnêteté", Eric Hamelin, père de Nilo, 6 ans, a accepté voici quelques années de s'affubler d'un habit rouge et d'une barbe blanche. Et, chaque 25 décembre, sous le sapin, Nilo trouve un cadeau du Père Noël, mais un seul. "Les autres présents lui sont remis par la famille, parents et grands-parents, qui lui montrent ainsi leur attachement", précise Eric.
Génebaud et Carole Gérandal ne mentent "jamais" à leurs enfants. Et pourtant, Sidonie, 9 ans, a longtemps cru au vieil homme à la hotte emplie de cadeaux, ainsi qu'à la Petite Souris. Garance, 7 ans, y croit toujours. "Nous cultivons l'émerveillement, cette attente de Noël et l'apothéose que constitue la découverte des cadeaux, le matin du 25 décembre", explique M. Gérandal.
En revanche, l'enfant risque de mal interpréter la magie de Noël si les parents prennent l'habitude de lui mentir sur des sujets le concernant intimement. C'est le cas, par exemple, "si on lui cache la mort de sa grand-mère, la vérité sur sa filiation", prévient Mme Halmos.
La découverte du pot aux roses, entre 6 et 8 ans, constitue un moment crucial. "C'est un rite initiatique. Chaque enfant, d'une certaine façon déniaisé, s'emploie alors à convaincre les plus jeunes de l'existence du Père Noël", résume Mme Tourrès-Gobert.
"Le lendemain du dernier Noël, raconte M. Gérandal. Sidonie nous a raconté qu'elle était descendue, en pleine nuit, dans le salon, et qu'elle avait surpris le Père Noël en train de s'affairer au pied du sapin", sourit le père de famille.
Les adultes peuvent aider un peu l'enfant à dépasser le stade. Eric a répondu "la vérité", lorsque son fils l'a interrogé. L'enfant avait cru reconnaître, sous la barbe blanche, le visage de son oncle. "Lorsque l'un de mes trois enfants me demande si le Père Noël existe vraiment, raconte Véronique Bertrand, je lui retourne la question : "Et toi, tu y crois ?"" La réponse de l'enfant, quel que soit son âge, vaut conviction.
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