Sur mon bureau, depuis quelques jours, deux dicos bourrés de bons mots me narguent. Epatants mais à mille lieues l'un de l'autre. Il s'agit de Quand votre culotte est devenue pantalon, de Daniel Lacotte (Pygmalion), et de l'Encyclopédie de la web culture, de Titou Lecoq et Diane Lisarelli (Robert Laffont).
Deux cadeaux de Noël utiles. Lacotte nous retrace l'histoire de mots savoureux, comme "pantalon" qui vient de Pantalone, le sale bonhomme de la commedia dell'arte, "rodomontade" issu de Rodomonte, le matamore du poème épique Roland amoureux (1487), ou "sacripant" du nom d'une fripouille du même poème. Lecoq et Lisarelli, eux, nous présentent des personnages hauts en couleur de la Toile : "hackers", "geeks", "nerds", "kikoolols", Frédéric Lefebvre ("intarissable source de rigolade sur le Net")... Et le fameux "troll".
Qu'est-ce qu'un troll ? C'est un e-sacripant qui vient pourrir une discussion, un forum, un blog par ses "coms" (commentaires) vicieux, stupides, provocateurs, importuns. Parfois, le troll est juste un imbécile qui n'a même pas lu le texte qu'il commente, mais tient à ramener sa science, à tirer la discussion vers ses obsessions.
Mais nos webencyclopédistes distinguent des sous-population de cette engeance : le troll de base (le c...), le troll ontologique (à l'intelligence perverse), le troll flatteur (qui couvre d'éloges étouffants Alain Minc ou Jean Daniel), les trolls chasseurs (qui attaquent en bande - trollent - ) et quelques trolls-stars.
Notons au passage que le troll de base s'exprime souvent dans un français approximatif, emporté qu'il est par l'importance et l'urgence de son commentaire.
Et c'est là qu'intervient l'aimable érudition de Daniel Lacotte. Dans son ouvrage, il évoque un ancêtre du troll de base : le "janot". L'acteur et auteur de théâtre Louis Dorvigny a popularisé ce personnage dans sa pièce de 1776 Janot, ou les battus paient l'amende. Janot est un parfait idiot qui s'exprime dans une syntaxe approximative. Du coup, le "janotisme" signale aussi bien la bêtise crasse qu'une phrase idiote par défaut de construction. Quant à la "janoterie", c'est une plaisanterie de mauvais goût. Nous sommes bien avec le janot au royaume troll des remarques débiles bourrées de fautes.
Pour autant, faut-il interdire les commentaires stupides ou malveillants sur Internet ? La réponse est dans la question : Internet étant un espace de liberté quasi absolu, on ne saurait y interdire quoi que ce soit. Lecoq et Lisarelli préfèrent nous donner de bons conseils pour calmer le troll et éteindre les feux des coms assasins : ne pas répondre, laisser dire, ne pas exciter le troll, l'ignorer.
Au fait, pour ceux des lecteurs qui se posent la question : un kikoolol est un(e) préado qui s'exprime en langage SMS sur son skyblog ou sur les réseaux sociaux. Lecoq et Lisarelli nous précisent qu'on les appelle aussi des "kevin" ou des "jean-kevin". Quant à Lacotte, il nous dit tout sur l'origine du mot venant du grec "lycée"... où les kikoolols se préparent à entrer.
dimanche 11 décembre 2011
Le "janot", ancêtre du troll
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