Le pire est passé. Cet avis sur la crise de l'euro peut paraître téméraire, tant les Européens sont allés de déconvenue en déconvenue, depuis le début de la crise grecque à l'automne 2009. Pourtant, depuis dix jours, l'atmosphère a changé.
L'apogée de la crise fut atteint début novembre lorsque le premier ministre grec Georges Papandréou a proposé un référendum sur le plan de renflouement de son pays. Et le énième sommet de sauvetage de la monnaie unique, qui s'est achevé vendredi 9 décembre à Bruxelles, pourrait être le bon. En dépit des agences de notation qui menacent d'opérer des dégradations en cascade de toute la zone euro.Côté français, même le secrétaire général de l'Elysée Xavier Musca, pessimiste invétéré depuis le mois de juillet, avait perdu sa tête des mauvais jours. Les Français estiment qu'ils ne pouvaient pas mieux faire avec les cartes en jeu.
Dès jeudi, à la réunion du Parti populaire européen à Marseille, l'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet nous gratifiait d'un sourire. Un sourire en "off", bien sûr, mais qui voulait tout dire : M. Sarkozy et Mme Merkel ont enfin renversé l'accord perdant-perdant scellé au sommet de Deauville un an plus tôt.
L'Allemagne avait alors exigé de faire participer les banquiers privés au sauvetage de la Grèce, créant une incertitude majeure sur l'engagement des peuples européens à rembourser leurs dettes, tandis que la France avait évité des sanctions automatiques pour les pays qui ne respecteraient pas l'orthodoxie budgétaire.
"Ce fut la plus grande erreur de cette crise", commente un dirigeant bruxellois. Aujourd'hui, Paris et Berlin ont décidé de durcir les règles budgétaires européennes et jurent que jamais plus un Etat européen ne fera faillite. Ce revirement est au coeur de l'accord franco-allemand confirmé vendredi par les Européens.
Mario Draghi, nouveau président de la BCE, a qualifié les décisions prises de "résultat très bon pour la zone euro". "C'est la paix des braves et la fin des controverses institutionnelles", estime un proche de M. Sarkozy, qui ajoute : "Nous avons achevé une renégociation à chaud du traité de Maastricht", négocié il y a vingt ans jour pour jour, le 9 décembre 1991.
Le premier, c'est la dérogation britannique, qui permettait à Londres de ne pas adopter l'euro mais de continuer à freiner l'intégration de la zone. Vendredi, les Européens ont bouté les Anglais hors d'Europe. A la surprise générale, le premier ministre britannique David Cameron a été lâché par les pays de l'élargissement, à commencer par la Pologne.
Le signal politique est majeur : les gouvernements veulent sauver l'euro, y adhérer, et ont décidé d'aller de l'avant. Sans attendre Londres, qui exigeait plus de libéralisme financier pour la City. Et sans réformer les traités européens, pour éviter toute obstruction britannique.
Second vice de Maastricht, l'absence de gouvernement économique. Naguère, l'Allemagne s'y opposait, voulant gérer seule son avantage compétitif. Elle a compris le risque qu'elle encourait en partageant sa monnaie avec des économies en perdition. La rigueur a commencé à être mise en oeuvre avec les plans italien, espagnol, voire français.
Les sanctions prévues par le pacte de stabilité, même quasi automatiques, ne seront peut-être pas opérantes, mais les Européens sont censés discuter en amont de leur politique économique pour éviter bulles immobilières et pertes de compétitivité qui firent le lit des économies méditerranéennes.
Fortes d'une ressource bon marché, les banques devraient être incitées à financer les entreprises et acheter cet hiver les emprunts émis notamment par l'Italie et la France. Certes, M. Draghi a déçu en n'achetant pas directement la dette émise par les Etats et les entreprises, comme le fait la Fed, la réserve fédérale américaine.
"La mutation de la BCE n'est pas achevée", explique un négociateur français, qui espère que la banque agira si les circonstances l'exigent. Il existe un autre problème : le fonds de sauvetage européen, dont la gestion a été confiée à la BCE, n'est pas opérationnel et sa force de frappe reste trop faible.
L'Europe est donc encore très vulnérable et les soubresauts sont jugés inéluctables. Mais après des mois de débats, les Européens savent désormais à peu près où ils habitent. Une condition indispensable pour rassurer les investisseurs, soucieux de savoir, eux, où ils mettent les pieds.
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