Indignés, peut-être, mais plus encore dépités, les Espagnols viennent d'accorder à la droite sa plus belle victoire depuis l'avènement de la démocratie, en 1976. Mais, surtout, infligent à la gauche la plus lourde défaite qu'elle ait jamais connue. On peut dire que
le peuple espagnol, peu enclin à l'indulgence à l'égard de ses gouvernants, a l'habitude de les sanctionner durement: en 2004, trois jours avant les élections, les attentats terroristes du 11 mars avaient balayé Aznar et ses ministres, jugés dramatiquement incompétents, après la mort de 191 personnes dans des trains de la banlieue de Madrid. La percée socialiste qui s'en était suivie avait porté au pouvoir
José Luis Rodriguez Zapatero, instigateur d'une phase de croissance saluée de toutes parts, qui se soldera néanmoins par une crise économique sans précédent. Sept années de règne du Parti socialiste (PSOE), clôturées par des mesures d'austérité radicales - 10 milliards d'euros d'économies en 2010 - qui n'ont pas suffi à rassurer les marchés. Fin de cycle? Pas vraiment.
Contrairement à
la Grèce, l'Espagne n'a pas triché; et, à l'inverse de
l'Italie, son président du gouvernement était vertueux (et noblement féministe). Mais, sans reprendre l'antienne de la dette souveraine, le royaume se retrouve aujourd'hui affublé d'un taux de chômage de plus de 21%, qui affecte près de 46% des jeunes de moins de 25 ans. Autant dire que le prochain chef de gouvernement,
Mariano Rajoy (Parti populaire), dispose d'une marge de manoeuvre quasi inexistante. A tel point que ce dernier a tenu à exprimer lui-même sa retenue, au soir de la victoire, en garantissant, en quelque sorte, qu'il n'y aurait "pas de miracle".
Exigence de résultats
C'est bien là le point commun à l'Espagne, l'Italie et la Grèce (et bien au-delà, comme l'ont montré auparavant les choix électoraux des Irlandais, des Portugais et des Slovaques). Quelles que soient les différences nationales de circonstances, de majorités ou de personnalités, la crise actuelle pousse les peuples d'Europe à appeler aux affaires des dirigeants réputés intègres et raisonnablement compétents, et non des messies dispensateurs de promesses. L'attente des opinions publiques ne relève vraiment pas de l'extraordinaire; elle se transforme en prime attribuée à ceux qui invoquent sobrement le redressement et qui se montrent a priori capables de le conduire. Une sorte de "préférence gestionnaire" conditionne les regroupements partisans, opère une sélection naturelle entre les hommes et les femmes politiques, force les équipes à se constituer de manière hétéroclite.
Sans doute n'est-ce pas la fin des combines, mais il y a là un signal démocratique qui doit faire méditer. Avec 186 sièges obtenus par la droite sur les 350 que compte le Congrès des députés espagnol, l'exemple ibérique montre que, plutôt que de s'indigner, l'écrasante majorité des citoyens se voit mieux confier le pouvoir (ou si peu) à une formation dûment mandatée pour le "sale boulot". C'est ainsi qu'une lame de fond fait émerger un gouvernement qui ne fait en rien rêver l'Espagne. Pas d'état de grâce. Qu'il s'agisse de Mariano Rajoy, de Mario Monti ou de Lucas Papademos, les vagues politiques présentes et à venir semblent correspondre non plus à un élan soulevé par un homme et son clan, ni par un courant et un slogan, mais à une exigence de résultats qui ne se soucie guère du charisme du "redresseur". Quel sera le pays suivant?
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