Les drapeaux (tricolores, arc-en-ciel, rouge et blanc) virevoltent dans l'ancienne criée de La Rochelle quand, dimanche matin, s'exprime la ferveur socialiste. «
2012, la France à gauche », scandent les militants à la clôture de l'université d'été du PS. La sono entonne l'hymne de la campagne, un refrain entêtant : « I
l est temps, il est l'heure, il est temps de tourner la page... »
Soudain rassemblés, les proches de Martine Aubry, François Hollande, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg et Manuel Valls dansent, chantent, applaudissent. Ils fraternisent, à l'image de Michel Sapin, fidèle du député de Corrèze, qui plaisante avec les porte-parole de la maire de Lille, Anne Hidalgo et Olivier Dussopt. Après trois jours de tension, de crispation et d'escarmouches, l'heure est à l'unité, fût-elle feinte.
Au-dehors, c'est l'effervescence. Au terme d'âpres négociations, les ténors ont convenu de s'afficher ensemble. Une photo de famille saisie dès leur entrée en scène : Royal s'avance, immédiatement suivie d'Aubry, de Hollande, de Montebourg, de Valls (et du radical Jean-Michel Baylet). Les deux favoris des sondages encadrent au premier rang Harlem Désir, le Premier secrétaire par intérim, Royal et Valls prenant place à la droite d'Aubry quand Montebourg et Baylet, eux, s'installent à la gauche de Hollande. A la tribune, le maire de La Rochelle, Maxime Bono, s'enflamme, saluant «
l'arrivée triomphale de tous nos candidats, qui est à l'image de ces trois jours de travail ».
Aubry et Royal enchantées
Pourtant, ce n'est pas ce trop beau cliché que l'histoire retiendra, mais plutôt l'offensive du camp Aubry, qui a compris qu'il fallait pour de bon faire campagne, et l'assurance tranquille de Hollande. Contrainte d'endosser le costume de challenger, l'ex-ministre du Travail se fait plus mordante. Elle muscle ses sorties, durcit son discours. Enfonce un coin dans le programme de son rival en se faisant le chantre de la sortie du nucléaire, de la parité et du non-cumul des mandats. Des thèmes sur lesquels l'ancien premier secrétaire reste flou, préférant esquiver par un trait d'humour, un rien cruel : «
Ah, s'il fallait choisir un président de la République sur le seul critère du non-cumul !... »
Il lui est revenu en boomerang, dimanche matin, quand Laurianne Deniaud, présidente du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), a exhorté les moins de 30 ans à «
se présenter » aux élections. «
Les mandats ne sont pas la propriété privée de quelques-uns, alors allez-y ! », lance-t-elle sous les d'applaudissements nourris de quelque 2.000 militants. Aubry et Royal se lèvent, enchantées. Hollande opine, sourire aux lèvres. La veille, il avait précisé qu'il ferait voter, s'il accède à l'Elysée, une loi «
pour tous » limitant le cumul des mandats de parlementaire et d'élu local.
La tentation du « TSH »
Alors que ses proches raillent «
la fébrilité et l'agitation » du camp Aubry, il assume le rôle de favori que lui confèrent les sondages. Serein et confiant, il tente de s'élever au-dessus de la mêlée. «
Je ne veux pas me laisser distraire, détourner, dévier de ce qui est l'enjeu, à savoir répondre aux préoccupations des Français », clame-t-il, invitant chacun «
à une certaine retenue ». La primaire, à l'entendre, semble déjà pliée. Il songe désormais à la présidentielle, réfléchissant à ce que serait alors son face-à-face avec Nicolas Sarkozy.
S'il est bien investi au soir du 16 octobre – ce qui est encore loin d'être gagné –, il lui faudra d'abord rassembler la gauche, à commencer par les socialistes. Or on a vu ressurgir à La Rochelle la tentation du « TSH » –tout sauf Hollande –, surtout lorsque ce dernier a brillé par son absence vendredi, lors de l'ouverture de l'université d'été. Soucieuse de « cliver » sur tous les fronts, Aubry a aussitôt marqué sa différence : elle a assisté à tous les débats de ses concurrents aux primaires, excepté celui de Valls (pour des raisons d'agenda). Elle n'a toutefois fait qu'une apparition, samedi, lors de l'intervention de Hollande, dont le visage surpris s'est assombri quand il l'a vue pénétrer dans la salle.
Des regards fuyants
La photo de famille, dimanche à midi, n'est pas parvenue à gommer cette sensation de solitude du chouchou des médias. Côte à côte sur l'estrade, Aubry et Royal – « la faiseuse de roi » – ont affiché leur complicité, plaisantant et souriant devant les caméras. Quand, quelques minutes plus tard, la présidente de Poitou-Charentes s'est retrouvée à la droite de son ex-compagnon, leurs regards à tous les deux étaient fuyants. Dos-à-dos, Royal et Hollande se sont enfin retournés, échangeant un bref commentaire. Il faudra bien plus pour réconcilier, au moins politiquement, l'ancien couple star de la gauche. Or Hollande ne peut l'ignorer : sa victoire passe aussi par là.
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