dimanche 3 juillet 2011
Un amour de Sarkozy
En 2007, les Français ont élu Nicolas Sarkozy parce qu'ils ont cru qu'il les aimait puisqu'il le leur avait dit. Il y avait aussi sa façon de les regarder : la tête penchée de tendresse, les yeux langoureux d'émotion, la bouche humide de désir. Il leur parlait d'une voix mielleuse et assourdie, comme s'ils étaient malades. Ou dans un grand restaurant. Il n'a pas hésité à les inonder de promesses, comme tous les gens qui veulent vraiment nous épouser. Les Français se sont rendus au bureau de vote de leur quartier, tout frémissants dans la robe blanche de leurs espoirs. Le soir même, ont déchanté : le nouveau mari était allé faire la fête avec ses vieux potes et quelques nanas bien roulées dans un clandé chicos où la plupart des Français n'auraient pas les moyens de se payer à dîner, laissant du coup nos compatriotes seuls devant la téloche, une baguette sous le bras et un béret sur la tête. Il reviendra aux historiens du mariage en France de faire le compte des malentendus, infidélités (incessants flirts et clins d'oeil du mari président à d'autres peuples mariés : Américains, Russes et même Chinois), déceptions, scènes de ménage, menaces, insultes et autres coups de gueule ayant fini par éloigner Sarkozy de la France au point qu'on les dit - et les sent - au bord de la séparation. Dans une telle perspective, le pauvre Nicolas perdrait un logement de rêve proche du quartier des cinémas - celui des Champs-Elysées, où habitèrent avant lui Victor Hugo et Honoré de Balzac -, toute une police et toute une armée pour le protéger des coups du sort dont il semble toujours craindre on ne sait quoi, des moyens de transport haut de gamme, une surexposition médiatique mondiale qui rassure cet homme sensible toujours sur le point de se demander s'il existe, et ainsi de suite (athi, en thaï).
Le président Sarkozy a peut-être cru qu'il suffisait à un mari de travailler - il dirait bosser - dix-huit heures sur vingt-quatre, prouvant ainsi son attachement à la bonne marche des affaires du couple, pour s'attirer les grâces d'une femme, mais la France n'est pas une femme comme les autres. Sous ses airs bourrus, voire agressifs à la fin de certains repas trop arrosés, il y a un petit coeur qui bat. Elle a inventé l'amour courtois à une époque, le Moyen Age, où le reste du monde en était à l'amour grossier. Si M. Sarkozy, qui est loin d'être un mauvais bougre, avait jeté un oeil sur les films, les livres et les chansons préférés de son épouse (sérénades de Boon, idylles de Musso, langueurs de Raphaël), il aurait compris que le Français est une Française. Il n'a qu'un but dans la vie : l'amour. Que dis-je, un but ? une obsession. L'amour en tout, partout, toujours. Au bureau, dans le bus, en boîte, sur Internet. Le faire, mais aussi y rêver, en parler, l'écrire. Le Français a épousé Nicolas Sarkozy par amour et non par intérêt, comme l'a cru ce jeune homme toujours un peu étranger aux sentiments profonds de son épouse locale. Oui, il a déçu par son côté replié, froid, distant, raide, sec. Il n'était pas comme ça avant le mariage. Il était le contraire. Peut-être a-t-il été atteint par le syndrome, fréquent chez les gens de l'Est, dont je fais moi-même partie, du détachement après la conquête. Et chez les Auvergnats : Giscard était pareil. C'est toujours la même chose quand un séducteur atteint sa cible : elle tombe et il se retrouve, une nouvelle fois, face à lui-même. Ce qu'il déteste, sinon il ne passerait pas sa vie à séduire les autres. Il lui faut repartir en chasse. Mais qui chasser quand on a déjà abattu la France ?
Il reste un peu moins d'un an à Nicolas pour réchauffer le coeur froid de notre pays, prêt à battre pour d'autres que lui : un énarque corrézien à lunettes, une fougueuse Bretonne blonde, un poète symboliste maudit par la justice, un écologiste zézayant en hélicoptère, un ex-trotskiste qui trotte sur les plateaux télé. Elle se demande même, la France, si elle ne tenterait pas pour la première fois de sa longue histoire conjugale (quatorze siècles) le mariage gay avec une Lilloise. Elle a déjà eu un Lillois, le général de Gaulle. Fiançailles héroïques en Angleterre, brève rencontre après guerre, longue bouderie campagnarde, union française, coups et blessures en Mai 68, divorce par référendum. Mes meilleurs souvenirs.
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