Voilà plus de quinze ans que la Convention de Schengen est entrée pleinement en vigueur en France, en Allemagne et au Benelux. Pour s’étendre les années suivantes, et très progressivement, à dix-sept autres pays de l’UE, plus la Norvège, l’Islande et même la Suisse. Quinze ans sans contrôles systématiques au pont de l’Europe à Strasbourg-Kehl et aux autres points de passage entre l’Alsace et l’Allemagne ! La notion de frontière, avec souvent ses longues files d’attente, a disparu en faisant aussi comprendre que l’Europe est devenue une réalité.
Peut-on imaginer un retour en arrière ? Pas dans l’espace franco-allemand. Pourtant, plus au nord, le Danemark n’a pas hésité. Depuis hier, ses policiers contrôlent de nouveau aux frontières avec l’Allemagne et la Suède, en pleine migration estivale vers la Scandinavie. Certes, les mesures sont encore très sporadiques en attendant, d’ici à 2014, la réinstallation de guérites, de barrières et autres sas à reconstruire, sans oublier des policiers à engager. Le tout pour quelques dizaines de millions d’euros à la charge de l’heureux contribuable danois... Copenhague a beau rassurer ses partenaires, en précisant que ces contrôles porteraient surtout sur la contrebande avec également pour but de lutter contre la criminalité et l’immigration clandestine, le mal est fait. L’Allemagne voisine, où des dirigeants appellent au boycott du tourisme au Danemark, ne décolère pas.
En écornant Schengen, le gouvernement de Lars Rasmussen étale surtout sa faiblesse en montrant à tous les partis politiques du continent combien il est dangereux de devenir l’otage de l’extrême droite xénophobe. Car la coalition de centre-droit au pouvoir ne se maintient que par la grâce des populistes. Et la reprise en main de la frontière est une de leurs exigences.
Le Danemark, craint-on, va faire exemple. D’abord en Finlande, également traversée par un fort courant antieuropéen, peut-être en Suède. Les mesures prises par la France au printemps dernier, après l’arrivée de réfugiés tunisiens et libyens via l’Italie, ne correspondaient pas non plus à l’ « esprit Schengen ». Bien que ces dispositions françaises aient été « légalisées » par le Conseil européen de juin entrevoyant de nouvelles exceptions temporaires, notamment pour les non-citoyens de l’UE détenteurs de « visas Schengen », elles restent un accroc. Rien d’étonnant, car partout, selon l’air du temps - celui de la crise et du repli sur soi -, la controverse grandit sur la notion de « libre circulation » des personnes (pas des marchandises, évidemment !). C’est oublier qu’un « détricotage » de Schengen, malgré les défauts et imprécisions de la Convention, renverrait l’Europe citoyenne aux limbes, tant ce symbole Schengen est fort. Pour tous ceux qui profitent de son « espace », cette Convention s’identifie avec l’idée européenne. Bien mieux que les directives de Bruxelles, voire l’euro à la gouvernance de plus en plus incompréhensible !
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