mercredi 8 juin 2011
Non, l'Ouest ne se désindustrialise pas !
Il est devenu courant de se plaindre de la « désindustrialisation » de la France, et plus particulièrement, de celle des régions de l'Ouest. Les chiffres sont imparables : au niveau régional (Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire), l'industrie a perdu près de 100 000 emplois depuis 1980 ; la valeur relative de l'industrie dans la production est passée de 28 % à 18 % en vingt-cinq ans, tandis que nos achats à l'étranger ne cessent de croître...
Mais, il ne faut pas pour autant oublier la réalité : en 2010, la quantité de biens manufacturés produits dans l'Ouest est d'un quart supérieure à celle de 1990 ; beaucoup d'activités ont connu des essors remarquables (automobiles, aéronautique, pharmacie, nucléaire, équipement électronique...) ; nombre de secteurs ont vu leurs exportations s'envoler (cosmétiques, biens d'équipements, agroalimentaire...).
Qui croire ? Notre perception est déformée par un triple effet : une illusion statistique, la réorganisation de l'appareil productif et surtout une véritable transformation de la nature même de l'industrie.
Si l'emploi baisse, c'est avant tout grâce au progrès technique et à une meilleure organisation, qui permettent de produire autant, et même plus, avec moins de main-d'oeuvre. L'automobile ou la construction navale en sont de parfaits exemples. Ces gains de productivité expliqueraient au moins le tiers des pertes d'effectifs... De même, si la valeur relative de la production industrielle diminue tant, c'est surtout parce que les prix de ses produits (télés, électroménager, micro-ondes...) baissent, alors que les prix de tous les autres produits croissent.
Dans le même temps, les entreprises ont confié à l'extérieur un nombre croissant de leurs fonctions (comptabilité, restauration, nettoyage...). Résultat : les emplois traditionnellement calculés comme industriels sont maintenant comptabilisés dans les activités de service, ce qui expliquerait environ le quart des pertes d'effectifs industriels... On invoque aussi souvent la délocalisation à l'étranger de certaines firmes pour expliquer la désindustrialisation ; ce phénomène ne représente qu'une faible part des destructions d'emplois (5 % à 15 % selon les secteurs et les régions).
C'est l'industrie qui a profondément changé de visage : les établissements industriels sont de plus en plus reliés à des centres de recherche et à toutes sortes d'entreprises de services spécialisées (informatique, logistique, design...). En leur sein, sont désormais produits des biens de plus en plus sophistiqués.
Conséquences : les limites de l'entreprise industrielle deviennent floues, le découpage traditionnel entre activités secondaires (l'industrie) et activités tertiaires (les services) perd complètement de son sens : un iPod est-il un simple produit industriel banal ? N'est-il pas plutôt un ensemble de services complexes intégrés dans une machine miniaturisée ?
Finalement, si l'on veut vraiment estimer le poids réel d'une industrie, il faut additionner les emplois industriels classiques, d'une part, et tous les emplois de services tournés vers l'essor industriel, d'autre part... Et pour nos régions de l'Ouest, l'enjeu est de plus en plus de s'attacher à reconsidérer leur compétitivité, en renforçant le potentiel de leurs PME, en définissant mieux leurs spécialisations, en créant des relations fortes entre les fonctions de recherche, de formation et de production...
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