TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 10 mai 2011

Mémoire sélective

Le tamis du temps ne retient-il que les réussites ? Le souvenir immédiat ne sélectionne-t-il que les échecs ? Ce qui expliquerait que nous n'ayons, de François Mitterrand ou de Jacques Chirac, qu'un souvenir anormalement positif, et de Nicolas Sarkozy qu'une vision exagérément négative.

On ne peut pas comparer des bilans qui se rapportent à des époques incomparables. Mais à un an de mai 2012, et après seize ans de présidence de droite, on s'interroge sur la signification de cette « tontonmania », spontanée ou entretenue, qui marque les trente ans de la seule présidence de gauche de la Ve République.

Le « droit d'inventaire » revendiqué en son temps par Lionel Jospin était une manière de se démarquer d'un mitterrandisme dont la rose avait perdu de son éclat et les épines conservé leur piquant. Comme par hasard, aujourd'hui, on ne se souvient plus trop des épines.

On a presque oublié les trois dévaluations et le plan d'austérité du printemps 1983. Le coût des nationalisations. Les suicides à l'Élysée ou à Matignon. La double vie de François Mitterrand aux frais du contribuable. Son refus de réformer une Constitution tant décriée par le candidat, mais dont il s'accommoda si bien...

En revanche, selon que l'on était né ou pas né en 1981, riche ou pauvre, salarié ou patron, de droite ou de gauche, humaniste ou réactionnaire, on retient l'abolition de la peine de mort (contre l'opinion), l'impôt sur la fortune, la naissance des Régions, la mise en place du RMI, la 5e semaine de congés, la libéralisation des ondes, les grands chantiers culturels, la paix en Calédonie...

On se souvient du seul leader qui fut capable d'unir les gauches et de dépasser cette union pour gagner. On garde dans l'oreille la puissance de son verbe, utile pour convaincre les Allemands de renoncer au mark ou pour réorienter la politique de la France au Moyen-Orient. On se remémore le respect dû à l'homme de culture, à sa silhouette tranquille de père symbolique de la Nation, mystérieux et séducteur, auquel s'identifiaient y compris certains de ceux qui n'avaient pas voté pour lui. On salue encore son art d'imposer de la lenteur à la vie politique, de « donner du temps au temps ».

Ce qui est intéressant dans cette sélection que chacun opère à sa manière, c'est ce qu'elle dit de l'état du pays.

Elle illustre la perception insupportable des injustices. Elle paraît désavouer la recentralisation des pouvoirs. Elle semble déplorer une certaine conception de la vie publique et du fonctionnement de l'État. Elle exprime le souhait d'un rythme plus apaisé, d'une gouvernance plus modeste qui rassemble, rassure et donne à la fonction suprême une certaine majesté.

Mais qu'il serait naïf de vouloir réitérer 1981 ! Alors que tout le monde apprécie l'expertise de Dominique Strauss-Kahn, personne ne pleure l'incompétence économique notoire de François Mitterrand. Alors que chacun reconnaît la réactivité de Nicolas Sarkozy dans la crise, personne ne souhaite un président lent à comprendre les accélérations de l'Histoire.

En creux, il faut surtout regarder cette séquence « idolâtrie » comme un miroir du présent dans lequel la gauche veut voir se refléter un chef rassembleur et une envie d'alternance. Bref, la célébration de 1981 serait une nostalgie d'avenir. Candidats, faites-nous un beau dessein !

0 commentaires: