lundi 9 mai 2011
Europe : y a-t-il un Schuman dans l'avion ?
La nouvelle est passée inaperçue la semaine dernière. À une écrasante majorité, 180 voix favorables et seulement deux abstentions, les membres des Nations unies ont accordé le statut d'observateur à l'Union européenne. D'autres instances bénéficient déjà de ce statut, et ce gain en visibilité est avant tout symbolique. Mais justement, à l'heure où les Européens sont divisés sur des sujets lourds, ce vote onusien envoie un signal paradoxal. L'existence de l'Union en tant qu'acteur politique semble aller davantage de soi aux yeux du monde qu'aux yeux des Européens eux-mêmes.
Et pour cause. Soixante et un ans après la déclaration si visionnaire de Robert Schuman, aucun des six pays fondateurs de l'aventure européenne ne porte le discours politique de l'Union. Les accords internes à l'Union européenne sont à géométrie variable. Sur l'euro, les révoltes arabes, la guerre en Libye, la gestion des flux migratoires, la France et l'Allemagne, obnubilées par leurs échéances électorales, ne parlent plus d'un point de vue européen, mais sur la base d'intérêts strictement nationaux.
Même les fondateurs les plus traditionnellement enthousiastes, et souvent les plus décisifs dans les processus communautaires, la Belgique, les Pays-Bas et l'Italie, semblent avoir jeté le gant. L'une est à la dérive sans gouvernement, les seconds concentrés sur la montée de forces populistes, la troisième empêtrée dans l'inertie berlusconienne.
Compte tenu de l'évolution du mode de fonctionnement des institutions européennes, de plus en plus intergouvernemental, le résultat est ravageur. Les gouvernements font tout pour monopoliser la cabine de pilotage et, une fois dedans, ne parviennent pas à fixer de cap. Ils laissent au trio Barroso, Van Rompuy et Ashton le soin d'incarner la machine dans ce qu'elle a de plus indigeste : la faiblesse politique et la tracasserie administrative.
L'Europe a besoind'une parole forte
Il est temps que ce mécanisme pervers soit corrigé. L'Europe a besoin d'un discours politique pour affronter les grands défis du moment (économiques, stratégiques, humanitaires) et évoluer chemin faisant. Car non seulement l'absence de parole européenne forte ouvre un boulevard aux forces nationalistes de tous poils, qui sont plus habiles à manipuler la peur qu'à traiter les problèmes concrets. Mais ce silence est anachronique, au vu de l'évolution des rapports de force internationaux.
Dans moins d'une génération, des pays comme la Turquie ou l'Indonésie, sans parler du Brésil, de la Chine ou de l'Inde, auront allègrement gravi les classements internationaux en matière de richesse économique et de puissance. Aujourd'hui déjà, la Chine est le premier partenaire du Brésil, illustrant l'explosion des échanges Sud-Sud et le risque de marginalisation que court le Vieux Continent s'il ne s'organise pas.
L'Europe des vingt-sept, premier espace économique du monde, a un gabarit qui colle parfaitement à l'évolution multipolaire des relations internationales. Même si elle peut paraître tentée de lui tourner le dos, elle est, en fait, dans le sens de l'histoire. Avec, en prime, une expérience et des valeurs démocratiques que d'autres pôles n'ont pas. Ce qui fait défaut, c'est la volonté politique. Y a-t-il un Schuman dans l'avion ?
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