La publicité, les relations publiques, les groupes de pression sont les valeurs montantes de la Russie, obsédée par son image et par son désir de puissance. Deux obsessions taraudent l'élite : améliorer la perception du pays à l'étranger, s'attacher les bonnes grâces d'interlocuteurs "amis" capables d'influencer une prise de décision.
Une révolution copernicienne s'est produite dans ce pays depuis la lecture imposée du Capital de Karl Marx à l'époque de l'URSS. Lénine doit se retourner dans son sarcophage vitré du mausolée sur la place Rouge, mais qu'importe ! L'idéologie n'est plus, vive l'argent ! Cela tombe bien, les caisses de l'Etat regorgent de centaines de milliards de dollars.
Le Kremlin et Gazprom, son bras gazier, ont donné le ton dès 2006 en signant des contrats mirifiques avec les agences de communication Ketchum et GPlus Europe, filiales du groupe américain Omnicom. Il fallait faire peau neuve après quelques affaires peu glorieuses comme l'assassinat, en octobre 2006, de la journaliste Anna Politkovskaïa, l'empoisonnement, un mois plus tard, de l'opposant Alexandre Litvinenko, tué à Londres par une substance radioactive rare, ou encore la "guerre du gaz" entre l'Ukraine et la Russie.
Pour parfaire sa "com", la Russie mise aussi sur le lobbying. On se souvient de Gerhard Schroeder, passé directement, en novembre 2005, de la chancellerie allemande au comité des actionnaires du consortium Nord Stream AG, dominé par l'entreprise publique Gazprom.
L'ancien chancelier, grand ami de Vladimir Poutine, avait décroché son contrat quelques jours après que son gouvernement s'était porté garant d'un crédit de 1 milliard d'euros consenti au géant gazier par les banques allemandes Deutsche Bank et KfW. Le consortium est un peu comme un club d'affidés, puisque son PDG n'est autre que Matthias Warnig, un ancien de la Stasi (les services secrets de l'ancienne Allemagne de l'Est), jadis représentant de la Dresdner Bank en Russie, lui aussi très lié à Vladimir Poutine.
Aujourd'hui, la plupart des compagnies russes ont une ou plusieurs personnalités étrangères dans leurs conseils d'administration. Ces "directeurs indépendants", éloignés de la prise de décision, sont souvent recrutés "pour l'image" à la veille d'une mise sur le marché des actions de la société.
Ainsi d'Elsie Leung, ancienne secrétaire à la justice de Hongkong, recrutée par Rusal, le géant russe de l'aluminium, à la veille de sa mise en Bourse à Hongkong. Rusal, introduit depuis janvier 2010 à la Bourse de Paris, compte d'ailleurs le Français Thierry de Montbrial, le fondateur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), parmi les membres de son conseil consultatif international.
Les banques russes ne sont pas en reste, sinon qu'elles recrutent uniquement en local. Ainsi la Masterbank - classée 60e banque russe en termes d'actifs et de capitaux sur 1 097 établissements - vient tout juste d'engager au poste de directeur exécutif adjoint Igor Poutine, le cousin germain du premier ministre russe.
Et pourtant, Igor Poutine, 57 ans, n'a rien d'un expert de la finance. Ce fils de militaire, diplômé de l'institut automobile de Riazan (à 196 kilomètres au sud de la capitale russe), a fait l'essentiel de sa carrière dans l'armée. Sur le tard, à l'âge de 50 ans, il a suivi des cours à l'institut d'économie et du droit de Moscou, pour devenir juriste et ingénieur... spécialisé dans les tracteurs.
Personne ne l'a jamais vu aux côtés de son premier ministre de cousin. On ne sait même pas si les deux hommes se fréquentent. Aucune importance. Pour la banque, le seul nom de Poutine, qui est aussi, soit dit en passant, une espèce de tomate ainsi qu'une marque de vodka et de conserves, est un gage de succès.
La preuve, Avtovazbank (l'établissement bancaire de l'usine automobile de la Volga, détenue à 25 % par Renault), qui a inclus depuis 2007 le cousin Igor dans son conseil d'administration, se frotte les mains. Depuis son recrutement, les dépôts des personnes juridiques ont augmenté de 12 %, ceux des particuliers de 40 %.
A chacun son talisman. Au Moyen- Orient, les banques attirent la clientèle en invitant des oulémas (théologiens) de renom à entrer dans leurs conseils religieux de supervision. En Russie, elles courtisent les hommes politiques et leur parentèle. Ainsi Dmitri Patrouchev, 33 ans, fils de Nikolaï Patrouchev, le secrétaire du conseil de sécurité, est à la tête de la Rosselkhozbank. Piotr Fradkov, 32 ans, fils de l'ancien premier ministre Mikhaïl Fradkov, est directeur adjoint de la Vnechekonombank. Alexandre Ivanov, 33 ans, fils aîné de l'ex-vice premier ministre Sergueï Ivanov, est chef d'un département dans la même banque, tandis que son jeune frère, Sergueï junior, 30 ans, est vice-président du comité directeur de Gazprombank. Un autre Sergueï, le fils de la gouverneure de Saint-Pétersbourg, Valentina Matvienko, dirige à 30 ans une filiale de la Vnechtorgbank (VTB).
Mais, ces jours-ci, tous les regards sont tournés vers la Banque de Moscou, qui administre le budget de la ville et veille sur les économies du maire, Iouri Loujkov. Evidemment, la banque est dirigée par un ami du maire, ou plutôt de l'ex-maire, car Iouri Loujkov vient tout juste d'être limogé par le Kremlin. De son successeur, on ne sait pas grand-chose, sinon, affirment les mauvaises langues, qu'il a sa propre banque.
vendredi 1 octobre 2010
Lénine fait la moue
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