lundi 4 octobre 2010
L'automne de l'Alliance atlantique
A quoi servent encore les relations transatlantiques au moment où le monde est en train de basculer vers le « siècle du Pacifique » et où la notion même d'Occident semble se dissoudre, à l'heure de la globalisation et du métissage des cultures ?
Les relations transatlantiques sont historiquement passées par quatre phases. La première de 1949 à 1989, celle de la Guerre froide, se caractérise par un indéniable succès. La stratégie du « containment », définie en 1947 par George Kennan, a permis de contenir la menace soviétique, jusqu'à ce que, victime de ses contradictions, l' « empire du mal » s'effondre sur lui-même.
La deuxième phase, de 1989 à 2001, qui se conclut sans doute avec le 11-Septembre, apparaît rétrospectivement pour l'Alliance comme celle des « occasions manquées ». Orpheline du ciment constitué par la menace soviétique, l'Alliance s'est cherché une raison d'être et n'a pas été à la hauteur des défis auxquels elle s'est trouvée confrontée. L'Europe réunifiée n'a pas su émerger comme une puissance unie, décisive et responsable face au retour de la guerre dans les Balkans. L'Amérique qui disposait alors de toutes les cartes les a largement gaspillées par légèreté et inconscience de ce que pouvait avoir de bref et fragile son « moment unipolaire ».
La troisième phase, de 2001 à 2008, la fin du deuxième mandat de la présidence Bush, n'est plus celle des occasions manquées mais des dérapages dangereux. Ces dérives - de l'Irak à l'Afghanistan, sans oublier les conséquences géopolitiques de la crise financière -vont accélérer la montée en puissance de la Chine et, derrière elle, des puissances émergentes. Elles vont aussi renforcer les tensions sinon les divisions entre partenaires. L'Europe n'est plus la première ligne de défense des Etats-Unis et rien ne divise plus que l'échec.
Une quatrième phase des relations transatlantiques vient de s'ouvrir devant nous. Elles sont toujours essentielles sur le plan économique. Il suffit de considérer l'importance des échanges entre les deux rives de l'Atlantique. Mais elles deviennent toujours plus secondaires sur le plan stratégique. Quelles leçons pouvons-nous tirer, aujourd'hui, face à l'émergence de l'Asie, des succès comme des échecs d'hier ?
L'essentiel est de bien saisir la nature radicalement nouvelle du défi que nous pose la Chine. L'empire du Milieu n'est pas l'URSS. Elle n'est pas un adversaire idéologique. En fait, en dépit de la dénomination communiste de son régime, la Chine est post-idéologique. Gérée comme une entreprise, elle ne veut ni nous imposer son régime ni nous envahir. Elle est tout à la fois un partenaire économique indispensable à notre croissance et un rival ambitieux et incontournable. Elle est aussi un pays au comportement double qui alterne les propos ou les gestes provocateurs sur la scène régionale, à l'égard du Japon par exemple, ou les silences et les abstentions coupables vis-à-vis de la Corée du Nord ou de l'Iran. Parce que la Chine en fait alternativement trop ou pas assez, l'Amérique doit être tout à la fois le « balancier régional » en Asie et la « superpuissance par défaut » sur le plan mondial.
En 1995, après la chute de l'URSS, les dirigeants de l'Alliance avaient trouvé une formule qui résumait bien leur politique à l'égard de la Russie : « L'intégrer si nous le pouvons, la contenir si nous le devons. » Aujourd'hui, la problématique est très différente de celle d'hier. Comment « intégrer » une puissance qui, au fond d'elle-même, se sent supérieure à ceux qui veulent la convaincre tout à la fois de faire preuve de plus de retenue en mer de Chine et de prendre plus de responsabilités sur la scène internationale ?
C'est aujourd'hui que l'Amérique aurait besoin d'un Kissinger qui, féru d'histoire diplomatique et disciple de Bismarck, saurait engager un véritable dialogue stratégique avec les dirigeants chinois. Sa « sophistication européenne » convenait mieux au monde actuel qu'à celui de la Guerre froide.
Mais, dans sa quête d'une « stratégie chinoise », l'Amérique se sent bien seule et se demande à quoi sert encore l'Alliance. Car si les Etats-Unis ne se résignent pas au déclin relatif de leur puissance, l'Europe semble s'y résigner et même s'en satisfaire.
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