jeudi 7 octobre 2010
Jeu dangereux
L'envie d'en découdre aura été plus forte que la peur de perdre. Dans le secteur public des transports et de l'énergie, impérissables bastions des conservatismes syndicaux, la balance a finalement penché en faveur d'appels à poursuivre la grève du 12 octobre contre la réforme des retraites. La forme de la décision trahit l'hésitation de fond. Ce n'est pas un ordre de mobilisation qu'ont lancé hier, après celles de la RATP, les fédérations syndicales de la SNCF, de EDF et de GDF Suez, c'est une invitation faite à la base. Libre à ceux qui le souhaiteront, ou qui le pourront, de prolonger, ici ou là, de jour en jour, les arrêts de travail. Aux assemblées, camarades !
On a connu départs en campagne sociale plus fanfarons. Cheminots et traminots, électriciens et gaziers : le coeur de l'armée rouge du syndicalisme a beau courir à reculons vers la grève reconductible, il vient de faire entrer le conflit des retraites dans une nouvelle dimension. En prenant la responsabilité de laisser l'épreuve de force se radicaliser, dégénérer en un affrontement catégoriel, en dépit des consignes de prudence données par les instances confédérales de la CFDT et de la CGT, ces quelques fédérations syndicales jouent à un jeu dangereux. L'histoire des mouvements sociaux n'est certes jamais écrite. Mais le camp du blocage part avec trois lourds handicaps.
Le premier est lié aux difficultés économiques du moment. Lorsque son emploi n'est pas en jeu, elles incitent à y réfléchir à deux fois avant de perdre des journées de salaire. C'est vrai pour les responsables comme pour les victimes des grèves, empêchées d'aller travailler. Cette réalité sociale n'est guère propice à des arrêts reconductibles qui prennent leur efficacité dans la durée. Le deuxième handicap tient à la révolution du service minimum. Sans supprimer les perturbations dans les transports publics - ce n'était d'ailleurs pas son but -, il les limite et réduit la capacité de nuisance des grèves dures. Pour cette raison au moins, la réédition de l'automne 1995 ne serait plus possible.
La détermination nouvelle des pouvoirs publics face à ce type d'action est un troisième handicap. La CGT-cheminots reste sur deux échecs en matière de grève reconductible : celui, relatif, de l'automne 2007 contre la refonte des régimes spéciaux de retraite, ; celui, total, du printemps 2010 contre la réforme du fret SNCF. Le risque est de transformer en une défaite humiliante la fin d'un conflit dont les deux grandes centrales pouvaient espérer sortir la tête haute, fortes de concessions sans précédent sur la prise en compte de la pénibilité.
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