L'économie française reprend son souffle. Le chômage ne monte plus. Ces derniers mois, la grande majorité des entreprises a mieux vendu. Dans des secteurs aussi différents que la sidérurgie, la publicité ou les semi-conducteurs, le rythme de hausse est même à deux chiffres. Les industriels reconstituent leurs stocks, les plans de relance soutiennent encore un peu l'activité et l'international dope les chiffres d'affaires - à la fois parce que les pays émergents sont repartis très fort et parce que l'euro a baissé, rendant les produits français moins chers en Amérique ou en Asie. Il faut évidemment se réjouir de l'embellie conjoncturelle après un orage d'une violence inconnue depuis près d'un siècle. Mais il est trop tôt pour crier victoire. Car une bonne partie de cette embellie n'est rien d'autre qu'un rebond consécutif à un mouvement de panique générale, dans la foulée de l'implosion de Wall Street à l'automne 2008. L'Insee révélera la semaine prochaine que la production nationale était, au printemps de cette année, encore inférieure à son niveau de l'été 2008, malgré cinq trimestres d'affilée de progression. Au rythme de croissance actuel, dont la persistance n'est pas acquise, il faudra attendre l'automne 2011 pour que la production comble son retard. Trois ans de perdus ! Dans la seule industrie, l'écart est encore plus spectaculaire. La production manufacturière a certes redémarré vigoureusement, bien plus que les services. Elle a monté de 9 % depuis son creux de mars 2009… mais elle demeure inférieure de 13 % à son pic de février 2008. Rien ne garantit qu'elle reviendra un jour à de telles altitudes.
Ce constat débouche sur une question qui agite beaucoup les économistes. La crise va-t-elle changer notre trajectoire de croissance à long terme ? La première hypothèse, la plus favorable, est la parenthèse. L'activité rattrape le terrain perdu en accélérant, puis reviendra sur sa trajectoire antérieure de 2 % de croissance par an. La deuxième hypothèse est la marche descendue. La perte des années 2008-2009 ne serait pas comblée, mais la pente de croissance finirait par revenir vers 2 %. La troisième hypothèse est le décrochage. Dans ce cas de figure, la crise n'est pas tant un accident que le révélateur d'une croissance intenable. Le terrain perdu ne serait jamais rattrapé et l'activité serait durablement ralentie, comme elle l'avait été après la récession de 1975. Avec des recettes moins dynamiques, le rééquilibrage des finances publiques deviendrait encore plus compliqué. Aujourd'hui, les doutes sur la capacité des consommateurs et des entreprises à prendre le relais d'une croissance tirée par la dépense publique font plutôt penser au troisième scénario. Mais, dans le brouillard d'une crise sans précédent, il est trop tôt pour en être sûr.
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