Si la droite perd l'élection présidentielle de 2012, ce ne sera pas une défaite comme les autres. La dégradation du climat politique renforce la menace qui pèse sur elle.
La perte, dimanche 11 juillet, de la circonscription de Rambouillet en précise les manifestations. Depuis qu'elle a repris l'Elysée à la gauche, en 1995, la droite a subi comme autant d'échecs la plupart des élections locales.
Ces défaites répétées ne l'ont pas empêchée de conserver le pouvoir, mais elles ont peu à peu sapé ses assises territoriales, jusqu'aux plus anciennes, œuvrant lentement à l'effondrement d'un édifice : entre 1998 et 2010, la droite a perdu, en métropole, 744 cantons, 34 départements et 18 régions.
Lors des municipales de 2001, elle cédait à la gauche deux villes emblématiques, Paris et Lyon. Certes, elle croyait se consoler en gagnant, grâce à la cohabitation, 20 villes de plus de 30 000 habitants, mais elle en a perdu 26 lors des municipales de 2008 ! Même les élections législatives de 2007, pourtant situées dans le droit-fil de l'élection de Nicolas Sarkozy, se sont soldées par la disparition de 53 circonscriptions par rapport à la majorité sortante. Cela fait presque un millier de positions perdues.
Les élections cantonales de 2011 seront cruciales. Il y a toutes les raisons de penser qu'elles prolongeront le supplice de la droite. Or pour chaque canton perdu, chaque commune, chaque département, chaque région ou circonscription cédée à l'adversaire, c'est un point d'appui, un réseau, des ressources, autant de précieux leviers pour l'action publique comme pour la mobilisation des sympathisants et des électeurs.
LE PS TIRE UN PROFIT RÉGULIER
Depuis dix ans, le Parti socialiste tire ainsi un profit régulier, sans efforts ni doctrine, simplement parce qu'il est dans l'opposition. A moyen terme, ce n'est pas une bonne nouvelle pour lui, puisque ce ne sont pas ses propres forces qui fournissent la raison de ces victoires. A court terme, cependant, c'est pour la droite que les perspectives paraissent les plus sombres.
La gauche a remporté un nombre suffisamment grand d'élections locales pour pouvoir espérer gagner le Sénat en 2011. Ce serait déjà un premier tremblement de terre. Mais si la gauche emportait le Sénat en 2011, la présidence de la République en 2012 puis, dans la foulée, l'Assemblée nationale, tout en contrôlant les régions, la majorité des départements et la plupart des villes moyennes et grandes, alors, pour la première fois dans l'histoire de la République, la droite aura tout perdu.
A ceux qui penseront benoîtement que la perte du pouvoir national, en 2012, permettra au moins à la droite de retrouver les pouvoirs locaux aussi mécaniquement qu'elle les avait perdus, il faut opposer une autre perspective, moins optimiste.
Ayant tout perdu, pour la première fois, la droite pourrait souffrir plus que jamais de la concurrence du Front national. Une dislocation sans précédent de la droite de gouvernement, dans un contexte de crise exaspérant l'opinion, offrirait au FN et à sa nouvelle patronne l'opportunité inédite, et rêvée, d'accueillir une flopée d'électeurs exaspérés, de sympathisants découragés, de militants humiliés et de nombreux élus sonnés, enfonçant plus encore la droite de gouvernement dans des difficultés qui pourraient devenir insurmontables pour longtemps, car la concurrence du Front national limitera fortement, voire interdira le retour du balancier en faveur de l'UMP.
L'ÈRE DE JEAN-MARIE LE PEN TERMINÉE
On a déjà observé, dans le passé, que la présence de la gauche au pouvoir se traduisait autant, sinon davantage, par une poussée du Front national que par une remontée de la droite de gouvernement. La probabilité de voir un tel phénomène de "siphonnage" se produire au profit de l'extrême droite est d'autant plus élevée que l'ère de Jean-Marie Le Pen est terminée. Conduit par Marine Le Pen, retenons cette hypothèse, le Front national jouera la carte de la "vraie droite", regardant l'UMP comme jadis le RPR regardait les centristes.
De ce point de vue, si les signaux envoyés par la droite en direction des électeurs du Front national peuvent se comprendre dès lors qu'il s'agit d'améliorer les transferts de voix dans les scrutins à deux tours, ils peuvent aussi bien précipiter, dès à présent, la fuite d'électeurs de droite au profit du FN, et faciliter des transferts plus massifs et moins temporaires de même sens si la droite venait à perdre le pouvoir en 2012.
Réduire la distance, c'est prendre le risque d'ouvrir des voies de passage. Cela peut favoriser la victoire mais, tout autant, amplifier la défaite. D'autant plus que, simultanément, le centre tirera un profit certain d'une défaite de l'UMP en 2012, reprenant une part, voire la totalité des élus, des militants et des électeurs, qui, en 2002, avaient quitté l'UDF pour fonder l'UMP.
Renaissance d'un parti centriste plus fort qu'aujourd'hui, récupérant une partie des forces passées à l'UMP en 2002, et nouvelle poussée de l'extrême droite scelleraient ainsi le sort de l'UMP dans le cadre d'une recomposition ne lui permettant plus de concevoir son avenir autrement que comme une force parmi d'autres dans une coalition à laquelle le FN finirait par prendre une part active, voire déterminante.
Voilà pourquoi la défaite de la droite en 2012, si elle advient, risque d'être à nulle autre pareille.
Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique et professeur à Sciences Po
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire