Attention, fragile ! On voudrait que l’expérience passée serve au présent, pour ne pas reproduire éternellement les mêmes erreurs. On aimerait que la fierté ressentie devant la belle moisson de médailles récoltée par les athlètes français aux championnats d’Europe de Barcelone ne tourne pas au dithyrambe, à l’enflure, à la célébration chauvine, comme la pitoyable prestation des footballeurs en Afrique du Sud s’était transformée – médias et politiques y allant de bon cœur – en une déroute nationale, une honte patriotique.
Faut-il que le moral des troupes citoyennes soit défaillant, pour qu’un fiasco sportif ou un authentique exploit – 18 médailles dont huit d’or – suscite autant d’excès ! De déception d’un côté, de fierté d’un autre. C’est vrai, on a aimé les épreuves, la beauté des corps et des efforts (toutes nationalités confondues !). On a goûté la personnalité des compétiteurs français, leurs réactions de joie, leur rage de vaincre, leur esprit d’équipe et leur simplicité. C’est sûr, on a apprécié les mots de leurs entraîneurs, de leurs responsables : l’appel à la cohésion, la modestie affichée, l’ambition revendiquée, l’effort et le travail récompensés. Et on s’est réjoui – le contexte politique étant ce qu’il est – de noter la palette des origines de ces Français fiers d’honorer leur maillot aux couleurs nationales.
On n’oublie pas que la victoire est versatile. La réussite appelle la réussite mais, parfois, la spirale vertueuse s’inverse, l’échec entraînant l’échec. Il arrive que le mental prenne le pas sur le physique, aussi affûté soit-il. On sait que certains très grands champions, transformés en stars, ont craqué. On sait aussi que, dans certaines disciplines, un fossé sépare les sportifs européens des athlètes issus d’autres continents, d’Amérique ou d’Afrique. Les prochains rendez-vous mondiaux seront moins prolifiques. Il ne faudra pas brûler alors ceux que l’on porte aux nues aujourd’hui. Laissons-les simplement savourer leur bonheur, ces champions et ceux qui les entraînent, les accompagnent, les éduquent. Sans gâcher leur plaisir. Sans les gâcher, eux, en les adulant à l’extrême. Ils méritent mieux.
Dominique Quinio
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