Si Nicolas Sarkozy n'aime pas le mot rigueur, il n'a pas d'état d'âme quant à celui de répression. Au moment où le gouvernement présente aux Français la facture de la crise ¯ que n'avait-on écouté François Fillon quand il avait tiré la sonnette d'alarme, dès l'automne 2007 ! ¯ le chef de l'État saisit toutes les occasions pour monter au créneau sur le thème de la sécurité, qui fut l'une des clés de sa victoire à l'élection présidentielle. Nomination de grands policiers comme préfets dans le 93 et à Grenoble, tour de vis annoncé pour les « gens du voyage », mise en cause du modèle français d'intégration des populations immigrées, et enfin volonté d'étendre la possibilité de déchoir de la nationalité française une personne d'origine étrangère qui aurait porté atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique...
Au moment où l'effort que la Nation doit accomplir pour traverser la crise est considérable, on attend un discours de mobilisation générale, insistant sur la solidarité dans l'épreuve, rassemblant les énergies, sollicitant davantage les plus aisés, soutenant les plus faibles, affirmant que l'obstacle sera d'autant mieux franchi que « l'équipe de France » sera soudée, fraternelle et engagée.
Ce n'est pas le chemin qui semble pris. La stigmatisation des populations marginales, sous couvert de « réalisme », défait le tissu des valeurs dont s'honore la France. Non seulement une grande partie des gens du voyage est française, et doit à ce titre être considérée avec les mêmes égards que le reste de la population, mais les mesures annoncées - qui commenceront par le volet répressif, plus simple à mettre en oeuvre que les dispositions propres à faciliter leur intégration ¯ sont de nature à accroître leur précarité et à créer de la désespérance. À semer ainsi le vent, nous récolterons la tempête.
Par ailleurs, les « Roms » ¯ citoyens européens à part entière ¯ sont souvent victimes dans leurs pays d'origine d'une lourde discrimination sociale et ethnique, qui explique leur départ. Est-il juste que la France en rajoute une couche ?
Quant à la question de la déchéance de la nationalité française, elle est tout aussi choquante. Une comparaison permet de le comprendre : des parents ayant adopté un enfant vont-ils renoncer à leur paternité d'adoption lorsque celui-ci se serait très mal conduit ? Cela arrive certes, rarement, et c'est un échec terrible, dans lequel les parents mesurent en général leur propre responsabilité. L'accueil d'un citoyen nouveau, comme celui d'un enfant n'est pas une affaire de mérite, mais de coeur : c'est un don de la mère patrie qui ne se reprend pas... Et c'est une marque de grandeur. Imagine-t-on de retirer la nationalité française au Français dit « de souche », coupable des mêmes crimes ? À l'heure de la mondialisation, faut-il fabriquer des « apatrides » ?
Le chemin que prend la France risque de nous conduire à une forme d'abandon des valeurs dans lesquelles nous avons grandi, au prétexte d'une efficacité qui n'est en rien garantie. Si la situation économique et sociale est aussi tendue, c'est largement en raison de la fascination exercée par l'argent depuis trois décennies. Pour remédier à ce mal, il faut d'autres moyens que la fragilisation accrue des plus faibles, la discrimination de certains, et la seule répression.
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