TOUT EST DIT

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vendredi 2 juillet 2010

Une victoire du droit

Son affaire n'a pas occupé très longtemps la une des médias. Coupable ? Innocent ? Après l'horreur du fait divers, ce quadruple meurtre en huis clos familial, Dany Leprince, affublé du sobriquet de « boucher de la Sarthe », pouvait crier son innocence, nul ne l'entendait. Hormis son comité de soutien et, enfin, hier, la commission de révision de la Cour de cassation.

Dans quelques jours, après seize ans de détention, cet homme va recouvrer la liberté, à défaut d'être totalement et définitivement blanchi. C'est incontestablement la victoire du droit, la victoire du doute, une victoire pour cette justice dont on a souvent dit, écrit et dénoncé l'incapacité à se déjuger. Les cas de révision des grands procès criminels sont, en effet, très rares. Six depuis 1945, dont la célèbre affaire Dils. Reconnaître une erreur judiciaire, admettre qu'une enquête a pu être imparfaite, bâclée, ou détournée demeure une épreuve pour des magistrats attachés à l'autorité de la chose jugée.

Les temps changent. Les grandes affaires symboliques, celles des Seznec et des Dominici, ont marqué la conscience populaire, ébranlé les certitudes des juges. La justice du XXIe siècle ne peut pas se réfugier dans sa tour d'ivoire et balayer, d'un revers de manche, les doutes et les cris d'innocence. Ce n'est pas un hasard si les deux avocats qui obtiennent la libération anticipée de Dany Leprince ¯ condamné à perpétuité et vingt-deux ans de période de sûreté ¯ sont Mes Bredin et Baudelot, les deux avocats qui ont défendu la mémoire de Guillaume Seznec pendant près de vingt ans.

La justice évolue parce que le principe de l'intime conviction, qui forge les décisions des jurés des cours d'assises, peut désormais être remis en cause par une contre-enquête scientifique et policière. Dans le cas de la tragique affaire de Thorigné-sur-Dué, comment expliquer que l'on ne retrouve pas l'ADN du condamné sur les lieux du carnage ? La révision d'une condamnation repose sur la notion de « fait nouveau », inconnu de la cour d'assises de l'époque, « de nature à faire naître un doute ». Dans la plupart des cas, jusqu'alors, le fait nouveau déniché était jugé insuffisant ou sujet à interprétation, hypothétique. Aujourd'hui, le réexamen d'une affaire, basé sur des constats scientifiques, impose sa vérité.

Dans le cas des dossiers très anciens, il est évidemment impossible de démonter pièce par pièce l'acte d'accusation. Les témoins ont disparu. En revanche, les charges réunies au moment du procès demeurent. Dans les affaires récentes, on peut, à l'inverse, pratiquer une véritable autopsie de l'enquête. L'erreur judiciaire peut-être débusquée.

La révision des grandes affaires criminelles s'est toujours heurtée à un dilemme. La justice, à la fois, rechigne à se déjuger, à fragiliser son autorité et celle de l'État. Elle craint d'ouvrir la boîte de Pandore et de voir se multiplier les requêtes en révision. Mais elle doit également ¯ c'est son honneur ¯ reconnaître et réparer ses erreurs. Le corridor entre ces deux impératifs est escarpé. La Cour de cassation l'a franchi, hier, sans hésiter. Le procès de Dany Leprince sera révisé. L'intérêt supérieur de l'équité et de l'humanité l'a emporté. La justice n'en sort pas affaiblie, mais grandie.

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