La culture ne semble plus être un enjeu politique. Partout en France, les festivals, les institutions culturelles théâtrales, musicales ou chorégraphiques pâtissent d'une distance nouvelle entre les élus de la République et les acteurs publics de la vie artistique.
Les élus sont confrontés à d'autres priorités qu'impose la crise économique, et ils s'inquiètent de la nouvelle loi en discussion sur leurs compétences territoriales. Quant au secteur culturel, il voit que le ministère de la Culture n'a plus le magistère qu'il eut dans les années 1980, lorsque le gouvernement socialiste en avait fait le fer de lance d'un « changement de société ».
Aujourd'hui, l'État plafonne ses dépenses culturelles à 2,9 milliards d'euros tandis que les villes, les départements et les Régions y contribuent pour plus de 7 milliards. Mais, au-delà de ce nouvel équilibre budgétaire, c'est d'une autre politique culturelle qu'il est question. Désormais, l'art et la culture sont d'abord un simple sujet comptable, ce qui les éloigne du débat public.
À l'heure où le divertissement est devenu une activité économique fort lucrative pour tous les groupes multimédias, l'action culturelle de proximité se sent ignorée par les politiques. Dans les conseils municipaux, les structures associatives ou au Parlement, le débat public « sur le fond » est inexistant.
L'influente fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) veut alerter ses propres adhérents sur l'urgente nécessité de « redonner du sens au rôle des artistes dans la cité ».
Le mois dernier, le président du syndicat national des entreprises culturelles, François Le Pillouër, directeur du Théâtre national de Bretagne, inquiet de cette « indifférence criante », a mobilisé des professionnels dans la rue, parmi lesquels des comédiens comme Denis Podalydès ou Emmanuelle Béart.
La vie culturelle foisonnante qui caractérise pourtant le paysage français est-elle vraiment menacée ? Oui, car, pour la première fois depuis la création d'un ministère de la Culture (c'est-à-dire avec Malraux en 1959), ce n'est plus l'État qui a les cartes en main, mais des centaines, voire des milliers de maires, de conseillers généraux ou régionaux isolés qui se sentent parfois dépassés par l'enjeu. Crise oblige, la culture est en train d'être localement et discrètement sacrifiée sur l'autel de la rigueur budgétaire.
La liberté chèrement acquise d'avoir pu répartir les dépenses culturelles entre les collectivités publiques se retourne, aujourd'hui, contre ceux qui en sont les bénéficiaires, c'est-à-dire les artistes et le public. Car, non seulement l'État n'est plus en mesure d'imposer ses choix, c'est-à-dire d'arbitrer et d'impulser, mais il est absent pour penser, concevoir l'avenir culturel de l'ensemble du territoire.
Dans leurs diversités politiques et géographiques, ce sont donc des collectivités locales qui, pour l'essentiel, détiennent les clés de notre accès à la culture. Mais qui, au plan national, est garant de l'égalité de cet accès aux oeuvres et de la solidarité des pouvoirs publics avec le monde de la création ?
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