Le calendrier était idéal : Éric Woerth, que certains imaginent déjà à Matignon, dévoilerait la réforme des retraites et son cortège de sacrifices après la victoire des Bleus sur cette modeste équipe mexicaine. Le gouvernement l'adopterait en Conseil des ministres, la veille du 14 juillet et des départs en vacances. Une commission parlementaire, fermée à la presse, en fixerait les détails au coeur de l'été. Le Parlement en débattrait juste avant que la France ne prenne, à l'automne, la prestigieuse présidence du G20...
Patatras ! Le naufrage d'une équipe de football, aux salaires indécents, ne divertit plus la mauvaise humeur des Français. L'opinion, que les sondages disaient ouverte à la réforme, refuse le report de l'âge légal à 62 ans. Les vuvuzelas des syndicatsréunis menacent d'envahir la rue. L'opposition promet de fairedurer le plaisir parlementaire dans l'espoir d'une rentrée chaude.
Bref, la France n'est plus tout à fait le pays exemplaire qui anticipe, dribble les problèmes, met l'adversaire hors-jeu, domine le jeu européen. Les mau-vaises nouvelles ayant pour habitude de voler en escadrille, voici que les ministres multiplient les gaffes.
Rama Yade, donneuse de leçon, trébuche sur le seuil doré de sa chambre d'hôtel en Afrique du Sud. Christian Blanc fait payer, par milliers d'euros, ses cigares par le ministère de la Région capitale. Christine Boutin obtient une consolation, à durée très déterminée, de 9 500 € par mois. Quelques ministres en prennent à leur aise dans les appartements de la République. D'autres cumulent, sans état d'âme, leurs émoluments avec une retraite.
Jusqu'au très sérieux Éric Woerth, ex-ministre du Budget devenu l'avocat de la délicate réforme des retraites, qui n'a pas anticipé que la gestion fiscale, par son épouse, de la première fortune de France, pourrait déclencher un orage politique.
Quel rapport entre le football, les ministres et les retraites ? Très simple : au moment où les Français, surtout les plus modestes, surtout ceux qui ont travaillé tôt et dur, doivent se serrer la ceinture pour sauver les retraites, leurs plus prestigieux représentants multiplient les signes d'appartenance à l'équipe des privilégiés.
Les Bleus, Rama Yade, Christine Boutin ou Éric Woerth, dans des registres différents, semblent vivre dans une bulle qui les rend sourds à l'impact de leurs messages sur une opinion très réceptive. On trouvera toutes les bonnes raisons du monde, tous les arguments pour expliquer tel choix, pour plaider l'intégrité, pour s'en prendre à ceux qui hurlent avec les loups. C'est oublier que le propre de ceux, politiques ou sportifs, qui représentent la France, est de respecter un devoir d'exemplarité si l'on veut empêcher les amalgames, les généralisations et les affirmations sans preuve.
En ces temps difficiles, il faut décupler de précaution, de transparence et d'équité. Faute de quoi, on s'expose aux pires dérives. Ça commence par des lynchages verbaux. Ça continue avec un oubli des règles dont s'exonèrent ceux qui en sont normalement les gardiens. Ça finit par l'affaiblissement général de notre collectif, par le rejet de l'élite démocratique dont tout système a besoin. Cette élite dont la défaillance, en sport comme en politique, est la cause de tous les Waterloo.
(*) politique.blogs.ouest-france.fr
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