TOUT EST DIT

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samedi 1 mai 2010

Mode de scrutin : le "deux tours sec" n'est pas la panacée électorale pour l'UMP

Inquiets de la remontée du Front national aux dernières élections régionales, plusieurs responsables de l'UMP ont relancé ce qu'ils croient être la panacée électorale : le "deux tours "sec"". Comme à l'élection présidentielle, le second tour des élections législatives et territoriales ne serait ouvert qu'aux deux candidats arrivés en tête du premier. Supprimer les triangulaires pour préserver les chances d'une majorité de droite à l'Assemblée nationale, la tentation est grande après la déconfiture du mois de mars. Cela relève cependant du calcul à courte vue.
La proposition se pare des attributs du bon sens. En mettant en cohérence les modes de scrutin pour l'élection du président de la République, des députés et des conseillers territoriaux, on simplifie les règles du jeu et on favorise la participation des citoyens. Il s'agirait en quelque sorte d'une proposition de nature à encourager le civisme... Certains esprits malins pourraient pourtant s'imaginer qu'il s'agit, avant tout, d'écarter la concurrence de l'extrême droite au second tour des législatives.

Quel effet pourrait avoir la suppression des triangulaires ? Les résultats des dernières élections régionales sont à manipuler avec d'extrêmes précautions. On ne peut comparer deux scrutins de nature différente dans des contextes aussi différents. Par ailleurs, le taux d'abstention aux régionales (53,67 %) empêche toute projection pertinente.

Il reste toutefois utile de se pencher sur ces résultats. L'argument mis en avant par les partisans de la suppression des triangulaires aux législatives est le risque de maintien du Front national au second tour dans plusieurs dizaines de circonscriptions. Selon les règles en vigueur, il faut atteindre 12,5 % des électeurs inscrits - et non des suffrages exprimés - pour pouvoir se maintenir. Résultat que le FN, malgré son incontestable poussée, n'atteint dans aucune circonscription. Il réalise un score supérieur à 10 % (des inscrits) dans 10 circonscriptions et compris entre 9 % et 10 % dans 22 circonscriptions.

"NE PAS BLESSER LA BÊTE"

C'est la conséquence du faible taux de participation. D'autant plus que l'abstention atteint ses plus hauts niveaux dans les fiefs historiques du FN : elle est de 49,8 % en moyenne là où le FN réalise moins de 10 % des suffrages et grimpe jusqu'à 56,5 % en moyenne dans les secteurs où le FN recueille plus de 25 % des voix.

La menace du FN n'aurait-elle pas été surestimée afin d'installer un mode de scrutin réclamé de longue date à droite, non pas dans le but de marginaliser l'extrême droite mais pour affronter la gauche dans les conditions les plus favorables ? L'occasion fait le larron. Pour autant, même si ce mode de scrutin renforce la bipolarisation et favorise les alliances de premier tour, cela ne suffirait pas à modifier les rapports de forces.

Qu'adviendrait-il si ne concouraient au second tour que les deux candidats arrivés en tête du premier ? Ce qui est déjà le cas dans les circonscriptions où au moins deux candidats n'ont pas atteint le seuil de 12,5 % des inscrits au premier tour. Lors des élections régionales, le FN est arrivé en deuxième position dans 34 circonscriptions. Par exemple, dans la 20e du Nord, où il a obtenu 15,94 % des suffrages exprimés, soit 6,5 % des inscrits. Cela lui aurait permis de prendre part à 7 duels virtuels au second tour avec un candidat de l'UMP et 27 avec un candidat de gauche.

C'est là que le bât blesse pour l'UMP. Le système des triangulaires lui permet à l'heure actuelle, quand son candidat n'arrive qu'en troisième position, de se maintenir au second tour s'il a franchi la barre des 12,5 %. Même si ses chances de l'emporter sont infimes, cela lui évite d'avoir à "choisir" entre la gauche et le FN. Quelle consigne donnera l'UMP dans les circonscriptions où le FN et la gauche se livreront un duel ?

Certains, à droite, redoutent que cela ne se transforme en piège. Appeler à faire barrage à la gauche équivaudrait à passer un pacte implicite avec l'extrême droite, ce qu'une partie de l'électorat de droite refuse. A l'inverse, rejeter tout compromis avec le FN reviendrait pour l'UMP à s'aliéner ses électeurs, ce qui pourrait être lourd de conséquences. Le statu quo a l'avantage de "ne pas blesser la bête".

Changer les règles à deux ans des prochaines élections législatives apparaîtrait comme une manoeuvre dictée par des intérêts partisans et aux résultats aléatoires. Le prix politique à payer en vaut-il la chandelle ?
Patrick Roger

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