Rien n'est plus frustrant qu'un téléfilm amputé de sa deuxième partie. C'est même rageant quand on en est soi-même le héros malheureux... et qu'on est président de France Télévisions. Choisi en 2005 pour la qualité de son projet, Patrick de Carolis pensait avoir deux mandats devant lui. Dix ans pour mener à bien ses plans. Sauf coup de théâtre de dernière minute, il n'en aura eu que cinq, obligé de laisser son fauteuil, en août prochain, à un favori de l'Élysée.
Homme de caractère, plus chêne que roseau, l'ancien présentateur des Racines et des ailes, paiera la facture de sa rébellion ouverte, en 2008, contre la réforme de l'audiovisuel, et de son opposition affichée au nouveau mode de désignation présidentielle pour son propre poste. Passé le premier orage dans sa relation avec le chef de l'État, après que celui-ci eut mis en doute la spécificité du service public, il avait bien tenté une politique d'apaisement au point que son remplacement annoncé n'était plus si sûr. Au château, on hésitait... Mais avec son coup d'éclat d'hier matin, Carolis a sans doute ruiné, délibérément, ses dernières chances d'être confirmé dans ses fonctions.
En faisant voter par son conseil d'administration le report sine die de toute privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions, il a non seulement ridiculisé les cinq représentants de son actionnaire - l'État - mais aussi infligé du même coup un camouflet à leur inspirateur, le président de la République.
Pas franchement révolutionnaire, pourtant, l'insolent a osé, satisfaisant la gauche, évidemment, mais surtout... une large majorité de députés UMP. Avant de partir, l'ancien chef du service politique de TF1 se sera offert le luxe, rare, de faire l'union sacrée derrière lui à l'Assemblée nationale. Ou presque. Un must...
Au Palais-Bourbon, en effet, il reste bien peu de partisans de la suppression totale de la publicité sur les antennes publiques programmée, par la loi, à la fin 2011. La crise aidant, Jean-François Copé a beau jeu, depuis quelque temps, de critiquer le hara-kiri imposé à France Télévisions, obligée de se priver de 200 millions d'euros de ressources sans pouvoir bénéficier, en contrepartie, d'une hausse de la redevance jugée inenvisageable par le gouvernement. Les réclames en journée, chacun, désormais, voudrait les garder... La réforme pourrait bien attendre. N'y a-t-il donc d'autre priorité plus importante aujourd'hui que le pactole que s'apprêtait à récupérer Stéphane Courbit et Publicis ?
Les plans présidentiels contrés, la réforme honnie pourra cependant resurgir dans quelques mois sous l'autorité d'un successeur de Carolis forcément plus accommodant. Le tempérament et l'esprit de liberté, quand ils motivent la résistance à l'exécutif, sont moins que jamais des atouts pour gravir l'échelle du pouvoir.
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