jeudi 4 décembre 2014
Pacte de responsabilité : quand ça ne veut pas, ça ne veut pas
Hier, nous avons vu qu’en terme de simplification administrative, les réformes lancées jusqu’à présent comme des chatons dans un lac plein de crocodiles se traduisaient surtout par une augmentation importante de l’enfer paperassier français. À présent, et puisque l’actualité semble s’y prêter, c’est le moment de revenir un peu sur l’autre réforme phare du gouvernement, dont le jeune Emmanuel Macron a la charge : le pacte de responsabilitruc.
Il y a presque un an, alors que Macron n’était pas encore le nom d’un virus urticant et qu’on évoquait en hauts-lieux la nécessité d’un « choc de compétitivité », le Chef de l’État, prenant ses plus belles lunettes et sa cravate la moins mal placée, s’adressait aux Français et leur proposait, entre deux petits-fours de fin d’année, la mise en place d’un « pacte de responsabilité » fondé sur un principe simple, voire franchement simpliste : d’un côté, le gouvernement s’engageait à réduire les charges sur le travail, les contraintes sur les activités des entreprises, et en contrepartie, demandait plus d’embauches, plus de dialogue social et quelques bisous pour que tout reparte comme aux Trente Glorieuses.
Partant du principe qu’en diminuant (même symboliquement) les charges des entreprises, ces dernières recommenceraient à dégager des marges et pourraient en conséquence embaucher à tour de bras, relançant ainsi une machine économique grippée depuis un peu trop longtemps pour n’accuser que le précédent président, Hollande a donc largement misé sur une belle « politique de l’offre » bien polie, bien propre sur elle, et propulse donc l’idée à la télé devant des Français qui, recomptant bien les petits sous-sous qu’ils ont versés aux impôts en cette fin d’année 2013, se demandent un peu à quelle sauce ils vont être mangés en 2014.
Fin février 2014, le Haut Conseil du financement de la protection sociale, énième bidule technocratique chargé de valider a posteriori les idées lumineuses de nos dirigeants, émet un premier prout papetier dont les conclusions sont, évidemment, toutes en faveur du plan hollandiste : avec de telles mesures, le PIB grossirait de 0,8 à 0,9%, ce qui se traduirait par plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés en cinq ans. Aucune raison, donc, de ne pas se lancer à corps perdu dans une telle tentative. Fin avril, le pacte se traduit en propositions qui trouvent une place dans le programme budgétaire, approuvé le 29 par une Assemblée Nationale un peu tendue par la présence de quelques frondeurs. Tout va bien. Courant juillet, cela se gâte d’un coup avec le rejet du Sénat, et le 6 août, le Conseil constitutionnel rejette à son tour la baisse des charges sur les bas salaires c’est-à-dire les salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC. Flûte et zut, le parcours institutionnel continue de présenter cet aspect maintenant caractéristique de chaos et de bricolage qu’il affecte à chaque fois que le gouvernement tente des trucs et des machins.
(Duflot ne fera aucun commentaire pertinent. C’est dommage puisqu’en terme de parcours parlementaire chaotique, elle en connaît un rayon.)
Le temps passe. La rentrée se fait, cahin-caha, permettant de virer quelques impétrants trop remuants, de placer quelques têtes nouvelles et de laisser en place ceux dont la sinécure est trop bonne pour qu’il leur prenne l’envie absurde d’ouvrir leur clapet et de risquer le départ précipité. Le pacte progresse son insinuation lente et pervasive dans les entreprises françaises pendant qu’entre temps, les contraintes légales, les obligations absurdes et les nouveautés législatives kafkaïennes dégringolent sur leurs têtes dans un déluge rarement vu jusqu’alors : l’introduction de la pénibilité au travail s’avère être un cauchemar de complexité inutile, l’obligation d’un minimum de 24h par semaine dans le temps partiel provoque de plus en plus de remous tant il sera difficile à appliquer, et l’introduction d’une obligation d’information préalable des salariés en cas de cession transforme les passations d’entreprises en abomination administrative inapplicable.
Nous sommes en décembre 2014.
L’affichage publicitaire du gouvernement Valls et du président Hollande a beaucoup jauni. Les lendemains ne sifflotent pas des masses, et le patronat, qui a très bien compris qu’à chaque ajustement d’une charge correspondrait une ponction fiscale et une avanie taxatoire débile camouflée ici ou là, rouspète de plus en plus ouvertement.
Dernier exemple en date : nos fins politiciens viennent de se rendre compte que le CICE (crédit d’impôt – compétitivité emploi), sur lequel se base la politique de Hollande, est d’une complexité invraisemblable et qualifiée par Piketty lui-même d’usine-à-gaz et de verrue, au point de n’avoir qu’un effet marginal dans l’économie, les entreprises fuyant le dispositif auquel elles ne comprennent rien. Et lorsque les patrons tentent tout de même l’aventure rocambolesque, ils ne peuvent que noter que ce qu’ils touchent, ne couvre qu’en partie les hausse d’impôts déjà décrétées. En vertu de quoi, pour compenser ce CICE qui dépote, … l’Assemblée nationale a adopté mardi dernier des amendementsmajorant la taxe sur les surfaces commerciales pour la grande distribution de 50%. Vlan, ça leur apprendra, tiens !
Surprise et étonnement : cela n’enchante pas les patrons, pour le dire gentiment. Les voilà qui refusent de retenir les annonces d’il y a un an, pleines d’espoir du gouvernement, pour s’entêter à ne retenir que cette réalité qui refuse de se plier (comme certaines courbes) à la volonté présidentielle, et qui les embourbe dans des taxes et des contraintes se traduisant, in fine, par une activité qui périclite et, pour les plus faibles, la faillite.
Du côté du gouvernement, c’est la consternation : pour Emmanuel Macron, l’échec du pacte de responsabilité est imputable à ces patrons, MEDEF en tête, qui ont refusé de jouer le jeu ! Salauds d’entrepreneurs qui refusent d’investir lorsqu’on leur donne de l’argent d’un côté en échange de bâtons dans les roues de l’autre !
Cet agacement gouvernemental, voire cette quasi-colère d’un Valls tout remonté contre Gattaz, l’actuel dirigeant du MEDEF, donne une mesure assez bonne de l’écart qu’il y a entre les espoirs, chimériques et presque enfantins de nos dirigeants et les comportements observés dans la réalité face aux bricolages qu’ils ont mis en place. Ils n’ont toujours pas compris que l’emploi ne se décrète pas, pas plus qu’il ne se provoque en diminuant par ici les charges des entreprises pour les rattraper par là avec des mécanismes de plus en plus loufoques.
Comme le fait remarquer Nicolas Doze dans un récent édito, nos petits alchimistes gouvernementaux se sont employés à bricoler des « solutions » orientées vers l’emploi alors que c’est l’investissement productif qui doit être favorisé, ou, à tout le moins, qu’on doit arrêter de le tabasser consciencieusement pour des raisons idéologiques d’un dogmatisme affolant. L’emploi est la résultante de cet investissement.En petits keynésiens brouillons, ils tentent désespérément de faire croire à l’allègement des charges des entreprises (sans y parvenir, du reste), tout en loupant l’évidence que l’emploi n’est qu’une résultante d’une entreprise qui se développe, c’est-à-dire pour laquelle le fuel essentiel, le capital, ne vient pas à manquer ou à se divertir dans les milliers de petites tubulures chromées et chuintantes de l’administration fiscale ou sociale du pays.
Non seulement, le pacte de responsabilitruc ne marchera pas comme le prédit déjà Doze, mais la solution évidente (exposée ici par Naudet sur Contrepoints), « moins d’impôts (défiscaliser), moins de réglementations (déréguler), moins d’État (désétatiser) » est absolument hors de leur portée intellectuelle.
Et le pire est que, de « réformes » en « réformes » et donc d’échecs en échecs, tout ce que ce gouvernement de clowns peut nous offrir est le spectacle pathétique d’un déni de réalité et d’un rejet permanent de ses échecs sur les autres acteurs de l’économie. Partant de là, une seule conclusion s’impose.
Ce pays est foutu.
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