mercredi 24 septembre 2014
Pourquoi les jours du Califat sont comptés...
Pour Hadrien Desuin, les premières frappes aériennes menées par l'armée américaine en Syrie marquent le début de la fin de l'Etat Islamique, victime de son intransigeance et de sa trop grande témérité.
La dernière et fulgurante offensive de l'Etat islamique (EI) au Kurdistan syrien ne cesse de surprendre. L'audace tactique, combinée à de si nombreuses erreurs stratégiques, est pourtant le propre des conquérants.
Tactiquement, le chef d'EI fait preuve d'une témérité ahurissante. Comme si l'ancien officier de l'armée de Saddam avait lu Foch et son obsession de l'offensive à tout crin. Si une attaque sur un point du front s'enlise, l'offensive reprend ailleurs. Peu importe les pertes; il faut que le mouvement ne cesse jamais, ou c'est l'ensemble qui tombe. Ensuite, ses provocations en duplex au peuple américain incarnent la résistance de l'Islam radical au Grand Satan occidental. Quoi de mieux que les décapitations de journalistes pour sidérer une opinion publique? Elles fédèrent tous les paumés de la terre. Par sa brutalité, Al Bagdadi a dépassé dans l'horreur Al Qaida, qu'on croyait pourtant indépassable dans ce domaine. Il a fait d'Ayman Al Zawihiri un gentil grand-père aux yeux des jeunes fous d'Allah post-11 septembre.
Galvanisés par sa propagande et ivres de ses victoires (contre de braves villageois en claquettes, alliés à une armée de déserteurs) les troupes d'Al Bagdadi chevauchent à travers la Mésopotamie dans une morbide cavalcade.
Voilà pour les points forts. Mais tout avantage a ses points faibles. L'ivresse de la conquête pousse Al Bagdadi à de grossières erreurs stratégiques. Alors qu'il s'était rendu maître du triangle sunnite (Al Anbar, Ninive et Rakka) il n'a pas su retenir ses troupes qui fonçaient sur Bagdad, ni consolider ses positions. La capitale irakienne assiégée, la «communauté internationale» ne pouvait plus fermer les yeux.
AQMI avait fait la même erreur au Mali avec son raid sur Bamako.
Très tôt, l'Iran s'était porté au secours de ses frères chiites et de leurs mausolées de Nadjaf, Karbala et autres. On ne fait pas mieux comme ennemi pour fédérer les sunnites.
Sauf qu'Al-Bagdadi s'est proclamé calife de Mossoul à la place du calife de la Mecque. Il perd alors ses principaux alliés, les pétromonarchies du Golfe. Puis il attaque les kurdes, les yézidis, les chaldéens… lesquels se retrouvent coincés au milieu du double jeu turc. La dernière attaque contre les kurdes de Syrie devrait finir de convaincre la Turquie de s'opposer pour de bon à ce califat de terreur. C'en est trop aussi pour l'occident, qui, au bout de trois ans, est contraint de se détourner de son objectif initial: faire tomber Bachar Al-Assad. Barack Obama, un mois après les premières frappes en Irak, a du annoncer en grande pompe son intention de frapper en Syrie l'Etat islamique.
Justement Bachar, que l'on disait l'allié caché des djihadistes, le voilà lui aussi attaqué par les nouveaux barbares de l'Etat islamique. Tandis que le parti Baath termine de livrer les stocks d'armes chimiques à l'OIAC, Al Bagdadi, aveuglé par sa foi et son ambition, alimente lui même la coalition de ses ennemis. Y compris dans les territoires qu'il contrôle, l'implacable charia qu'il inflige étouffe la population sunnite. Laquelle déteste ces jihadistes souvent venus d'ailleurs.
Tout Empire périra... Le propre du conquérant est qu'il ne peut se fixer une limite, parce que s'arrêter c'est déjà être défait. Il s'épuise dans d'inutiles et folles conquêtes, il est drogué à la victoire, son insatiable héroïne.
Le combat salafisto-jihadiste d'Al Bagdadi est une mauvaise cause, déjà perdue. Les victoires se font rares depuis juillet.
Mener une conquête de l'orient à la manière des premiers compagnons du prophète était de toute façon anachronique. L'occident est affaibli, certes, par ses inutiles missions démocratiques en Afghanistan et en Irak justement. Mais les voisins du calife Ibrahim ne sont pas aussi faibles que les mérovingiens, la Perse sassanide et la Byzance post-justinienne de l'époque du Prophète. L'Iran est là qui veille ; Téhéran est sagement en train de sortir de son isolement. La Russie se reconstruit, et l'Amérique, quoique fatiguée, est toujours aussi forte.
Les jours d'Al Bagdadi sont comptés.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire