jeudi 7 août 2014
Une rentrée (trop) chargée
Le gouvernement est donc officiellement en vacances (notez le pluriel, la vacance de ce dernier ayant été confirmée officieusement depuis plusieurs mois). Avec un peu de chance, cela devrait signifier que le peuple français sera, pendant les deux prochaines semaines, épargné des saillies navrantes de l’un ou l’autre de ses membres. Et ce repos (tout relatif) est bien nécessaire tant ce qui l’attend à la rentrée promet d’être embarrassant.
C’est tellement vrai que, pour une fois, l’exécutif semble avoir compris qu’un peu de communication préparatoire était nécessaire. Les jours qui ont précédé leur désertion en vacances, Valls, le petit premier ministre, a donc été mandaté pour expliquer aux Français que les prochaines semaines allaient être un peu piquantes. Apparemment, les voyants économiques ne clignotent pas tous, ou alors pas dans le vert, les courbes ne s’inversent pas des masses ou pas dans le bon sens, et la conjoncture ne veut décidément pas se plier aux prédictions un tantinet trop optimistes du Chef de l’État.
Les dangers sont multiples.
Selon Valls, la déflation, l’horrible déflation, l’insupportable déflation méchante, guette et serait prête à bondir sur le peuple français qui, benêt et mal informé, offrirait niaisement son tendre flanc dodu à ses crocs acérés. Tout le monde sait pourtant que des prix qui baissent, c’est insupportable. Et tout le monde sait aussi que pour combattre le symptôme « déflation », il faut simplement créer de l’inflation. La source du problème (à savoir, de mauvaises allocations de capitaux, un manque de confiance et un besoin d’apurement des bulles) est ici sans importance puisqu’avec une bonne bordée de textes législatifs, pour – par exemple – imposer aux prix des planchers et des plafonds, des contraintes idoines aux possédants et en faveurs des classes laborieuses, tout ceci ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
Mais bon.
En attendant, il va falloir faire avec, et mieux vaut prévenir le petit peuple qu’un grain pourrait s’approcher début septembre. Et si nos ministres se doutent qu’un grain approche, ce n’est pas par hasard puisqu’en réalité, ils ont tout fait pour y contribuer.
Par exemple, la transition énergétique, dont le texte a été adopté à la fin du mois de juillet, aura inévitablement un impact sur les coûts de l’énergie, dont l’augmentation sera sensible dans les prochains mois, alors même que la facture va, indépendamment de ce texte, déjà s’alourdir. Était-il vraiment utile, pour Ségolène du Poitou, d’ajouter la misère à la peine ?
De la même façon, le logement montre des signes plus qu’inquiétants de faiblesse anémique. Entre le moral des chefs d’entreprise du secteur et la baisse maintenant palpable des transactions ainsi que de la demande, les effets de la méforme économique française se font sentir sur l’immobilier, à laquelle s’ajoute la panique et la consternation de tous les acteurs du marché devant la loi ALUR qui n’en finit pas de faire des dégâts. Là encore, les lubies écologistes ont eu cette présence d’esprit d’accroître la viscosité d’un marché immobilier dans des proportions rarement atteintes, alors qu’il était déjà notoirement en surchauffe et que seul un assouplissement des règles en vigueur aurait pu lui éviter la catastrophe dont on voit mal, maintenant, comment elle pourra être évitée dans les prochains mois.
Et les problèmes ne s’arrêteront pas là : la rentrée, comme son nom l’indique, n’est pas seulement un événement gouvernemental dans lequel les uns et les autres décident de revenir papoter de leurs dossiers à la même table au lieu de le faire par téléphone, les doigts de pieds dans le sable. C’est aussi ce moment privilégié où des centaines de milliers d’enfants et d’adolescents retrouvent (ou découvrent) les bancs d’école, avec cette année encore le psychodrame incontournable des horaires et rythmes scolaires. Les communes qui n’étaient pas encore passées à la nouvelle organisation devront se frotter aux joyeusetés consécutives, et on peut parier que les associations de parents d’élèves, peut-être même soutenues par celle d’enseignants, se feront entendre au moindre couac. Encore une fois, on peut se demander si la révision de ces rythmes était absolument indispensable alors que le pays aspire, très certainement, à concentrer ses énergies sur des réformes autrement plus importantes. Le gouvernement a semé, il récolte et à mon avis, il va déguster.
Et tant qu’à faire, rien ne serait parfait si on n’ajoutait pas, en plus, les mouvements de protestations de certaines professions qui ne manqueront pas d’égayer les premières semaines de septembre. En effet, comme je l’expliquais dans un précédent billet, les ministres du gouvernement (en tête desquels frétille évidemment Arnaud Montebourg) ont décidé de ne surtout pas s’attaquer aux gros morceaux coûteux que l’État entretient à grand frais (des hauts fonctionnaires en passant par les dockers sans oublier les cheminots et autres professions particulièrement avantagées), pour concentrer le peu de courage qu’ils ont réussi à rassembler, juste avant de fuir en vacances, sur ces autres professions qui ont le mauvais goût de ne pas voter pour la majorité actuelle. Bien sûr, ces mouvements, en préparation, n’auront rien de comparable à ceux de syndicalistes débridés ou d’une certaine catégorie de fonctionnaires, mais gageons qu’ils ajouteront à la tension déjà palpable de la rentrée.
Pour le reste, on en est réduit à quelques questions de pure forme.
Qu’adviendra-t-il réellement du pacte de responsabilité, toujours pas à l’ordre du jour et dont l’avatar précédent, le pacte de compétitivité, a fait pschiiit avec un talent certain ? Trouvera-t-on finalement les 200.000 emplois prévus (voire promis) si ce pacte est voté ou n’en créera-t-on, dans le meilleur des cas et comme le calcule l’IFRAP, qu’à peine 80.000 (et encore, à l’horizon 2017) ? Palpitance et fourchette en plastique, on frémit à l’idée que ce pacte puisse se terminer en foire d’empoigne entre les entreprises et l’État, et que cela ne se traduise encore une fois que par un alourdissement incompréhensible de la paperasserie pour les créateurs d’emplois…
Qu’en est-il du choc de simplification, tant attendu par les Français qui croulent sous les normes, les lois et les contraintes administratives de plus en plus ubuesques ? Annoncé en fanfare en mars 2013, il a déboulé dans la vie des administrés à une vitesse folle puisqu’il n’a fallu que 15 mois (eh oui, seulement !) pour qu’apparaissent enfin quelques micro-ajustements sur les feuilles de paie. Le bouleversement, c’est maintenant ; simplement, c’est à l’échelle du millimètre.
Et surtout, que va-t-il se passer pour les retraites complémentaires dont tout indique qu’elles sont en train de manquer de fonds ? Comment trouver, en plus des douzaines de milliards que doivent déjà gratter à droite et à gauche Valls et son gouvernement, les fonds qui équilibreront les retraites complémentaires alors que, tous calculs faits, les réserves disponibles fondent rapidement et qu’on risque bien, pour la caisse des cadres notamment, d’être dans le rouge dès 2015 ?
Allons. Tout ceci n’est qu’un petit mauvais moment à passer. Avec l’équipe au pouvoir, nul doute que la situation ne pourra que s’améliorer !
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