TOUT EST DIT

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lundi 11 août 2014

Principes de manipulation

Principes de manipulation

Qui ne ressent pas, au jour le jour, le travail de manipulation de masse qui est à l’oeuvre? Il repose sur quelques principes aisément identifiables, dont six me viennent à l’esprit:
La sur personnalisation, ou l’idolâtrie . De quoi parle-t-on pour l’essentiel: les déboires de M. Hollande et désormais, de M. Valls, le "retour" de M. Sarkozy, ses "cartes postales", la "popularité montante" de M. Juppé, les chikaya de la famille le Pen. Le monde médiatique nous accable de ses commentaires savants – reviendra, reviendra pas – de ses duels et westerns de bas étage, de ses revanches, nous bombarde de sondages et de confidentiels. Et si nous, Français, n’en avions rien à faire? 2017 est encore loin, nous verrons d’ici là pour qui voter en fonction des hommes, de leur crédibilité et de leurs programmes.
La table rase.  Tyrannie de l’oubli, du déni de mémoire: toute information qui remonte au-delà de deux ou trois ans est effacée, considérée comme nulle et non avenue. Tel politicien a eu jadis – une quinzaine d’années auparavant – des comportements personnels scandaleux: peu importe, aujourd’hui, blanc comme neige, il incarne la vertu et la modération. Tel parti, à travers son leader, a tenu jadis des propos immondes, à vomir. Plus rien aujourd’hui, fermez les yeux, une dédiabolisation est intervenue et il ne s’est rien passé du tout. Les bilans des uns, des autres, on n’en parle jamais: toujours repartir à zéro. C’est dommage d’ailleurs car parfois, il n’est pas si mauvais. Mais silence, le passé ne compte pas.
Le bouc émissaire: Jadis, dans les périodes de grand trouble, on s’en prenait à des groupes religieux ou ethniques avec une violence criminelle. La loi l’interdit désormais. Alors, on s’acharne sur des personnes, les parias, têtes de turc de la société médiatique. Le traitement dure en général une semaine, et puis plus rien: Cahuzac, Depardieu, Buisson, Aquilino, etc… Dans ce cas là, tout le monde cogne, médias de droite, de gauche dans une logique de surenchère. Les amis, surtout les amis politiques, se volatilisent, les plaintes tombent, les plus proches se retournent contre vous et prennent part à la curée. C’est une manière implicite de dire : voici le coupable, et donc, la preuve de mon innocence…
La force de l’émotion: L’émotion est au coeur de la société médiatique. L’image de la détresse et de la souffrance l’emporte sur toute autre considération. La vision des larmes et du sang occulte les considérations de fond, géostratégiques, historiques. La compassion est bien entendu le plus respectable des sentiments. Mais l’emprise de l’émotion n’est pas forcément synonyme de solidarité quand elle se limite à une indignation stérile. Elle peut être source d’actes monstrueux dans leurs conséquences, à l’image d’interventions militaires qui vont engendrer des malheurs en cascade cent fois pires que ceux qui les ont justifiées.
La fuite devant le réel: Ignorer le monde tel qu’il est est une autre constante de la grande manipulation. Un voile pudique tombe en permanence sur la réalité, celle d’une violence quotidienne qui est occultée, de la misère de l’exclusion, des 5 millions de sans emploi, de la galère des jeunes dans leur immense majorité, la situation apocalyptique des collèges de banlieue, des cités et quartiers de non droit qui n’intéressent plus personne… Le déni de la réalité s’accompagne d’une propagande politique axée sur de grandes abstractions mensongères quand on accuse la "mondialisation" ou "le grand capital" de tous les maux par exemple, alors que les échecs et les injustices ne tiennent la plupart du temps qu’à nos renoncements, conservatismes, lâchetés et égoïsmes frileux.
La dictature du mépris : Celui-ci suinte de toutes les pores de la vie moderne, du monde politico-médiatique, repose en permanence sur l’écrasement du bon sens, de l’intelligence. Les pitres médiatiques et autres donneurs de leçons deviennent les nouveaux maîtres penseurs alors que les grands esprits – intellectuels, universitaires – sont réduits à un silence de pierre tombale. Rien n’arrête le mensonge et la perfidie. Voyez comme les politiciens archi battus, honteux, ridiculisés, parviennent à se recaser les uns les autres, avec le sourire de l’innocence en prime, et en toute fraîcheur candide. Les ministères mais surtout l’Europe, son Parlement et sa Commission, ont au moins cet avantage. "Circulez, Messieurs/Dames, y a rien à voir!"
A travers ce constat, je ne réponds pas à la question essentielle: qui tient les ficelles? Où sont les manipulateurs, les marionnettistes? J’avoue ne pas avoir de réponse claire à cette interrogation. Je ne crois pas un instant à l’hypothèse d’un complot planétaire, un lieu de concertation propice au développement d’une manipulation de masse. Il me semble que le mouvement se fait de lui-même, correspondant à une évolution naturelle du monde, de l’air du temps. Il se propage en France à travers le cercle étroit d’une dizaine de milliers de leaders des grands médias et sociétés qui en ont le contrôle, des principaux partis politiques, du monde associatif, unis dans leur manière de sentir les choses, d’imprimer leur marque et de conforter leurs misérables rentes de situation. Nos armes de résistance à l’air du temps sont de deux ordres: d’une part la réflexion, la pensée, la lecture, repères dans le brouillard quotidien; d’autre part le suffrage universel, en temps voulu…

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