lundi 9 juin 2014
Pense-bête à l'usage de la droite
La boussole inversée est l'une des grandes spécialités médiatiques. Quand elle annonce le nord, c'est que le cap a été mis sur le sud. Et inversement. Ces temps-ci, elle s'en donne à coeur joie sur la crise de l'UMP, dont elle annonce la mort prochaine.
L'UMP est morte, vive l'UMP ! Sous la férule d'une bande de Pieds nickelés cyniques et cupides, le parti de la droite parlementaire était en train de s'étioler, pour le plus grand bénéfice du FN, comme on a pu le constater aux élections européennes. Le clanisme mène à tout à condition d'en sortir. Mais M. Copé s'y enclouait, sur fond de surfacturations ou de fausses factures.
Une bonne nouvelle pour la droite, une mauvaise pour Mme Le Pen et M. Hollande : c'est ainsi que l'on peut résumer ce qui s'est passé, la semaine dernière, à l'UMP. À l'heure où la relance de ce parti devient enfin possible, on se frotte les yeux quand on entend Mme Morano dénoncer l'"illégitimité" du triumvirat Fillon-Juppé-Raffarin, désigné pour expédier les affaires courantes après la démission de M. Copé, qui s'était autoproclamé président alors que, malgré sa triche organisée, les résultats de l'élection interne le donnaient perdant. De peu, mais perdant.
La droite est en voie de résurrection, n'en déplaise aux oiselles ou oiseaux de malheur. Parce qu'elle a, comme la nature, horreur du vide, la démocratie a besoin de remplir au plus vite l'espace grandissant des opposants au pouvoir socialiste. Si elle ne commet pas d'erreurs, l'UMP, débarrassée de ses mauvais génies, devrait rapidement combler son retard sur le FN. Elle a plus d'un atout dans sa manche.
Les jérémiades sont malvenues quand, comme elle, on a au moins trois candidats sérieux à la présidence. Récapitulons, par ordre alphabétique. D'abord, François Fillon, qui a un handicap de popularité à rattraper mais qui, le sourcil pompidolien en prime, incarne un dessein économique et une volonté de redressement. Ensuite, Alain Juppé, grand blessé de la politique, couturé de partout, dont l'étoile ne cesse de grandir et qui a pris une stature de "père du peuple". Enfin, Nicolas Sarkozy, ce cocktail d'énergie et de charisme que l'on sait, qui joue les Arlésiennes en agitant ses marionnettes dans la coulisse. Avant de retourner dans l'arène, s'il y retourne vraiment, il faudra toutefois qu'il songe à faire le tri entre ses amis ou alliés qui sentent trop souvent le soufre : Mme Balkany ou MM. Guéant, Buisson, Copé et consorts. S'il arrivait malheur aux trois impétrants susdits, l'UMP pourrait encore aligner une personnalité comme François Baroin, le fils putatif de M. Chirac, qui fait l'unanimité des ténors.
Autant de candidats d'envergure, c'est une force. À condition que la droite tire les leçons du fiasco historique du 25 mai 2014 et entame le travail de fond qu'elle n'a toujours pas commencé. Au cas où la droite oublierait sa liste de courses, voici un pense-bête pour l'aider à réfléchir à sa refondation :
Ne plus avoir peur d'elle-même dans un pays que tout affole, même son ombre. Préparer dès maintenant les réformes de fond qui, adoptées dans les cent premiers jours de l'alternance, permettront de redonner au pays confiance en lui-même et de le remettre d'équerre sur les finances, la fiscalité ou l'éducation. En attendant, que la droite n'oublie surtout pas de se souvenir de sa lourde part de responsabilité dans le délabrement financier et industriel constitutif du déclin français.
Redéfinir le rôle de l'État qui, à force d'engraisser, est devenu à la fois trop faible et trop puissant. L'État, dont l'économiste libéral Frédéric Bastiat écrivait joliment en 1848 qu'il est "la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde". La droite ne peut faire l'économie d'une réflexion sur cette question.
En finir avec l'opposition perroquet, qui amène la droite à vitupérer systématiquement le pouvoir socialiste, y compris quand il va dans la bonne direction (baisse des dépenses publiques, pacte de responsabilité, refonte territoriale, interventions militaires au Mali ou en Centrafrique, etc.). Le pays est dans un tel état, économique et psychologique, que le patriotisme devrait être de mise.
Rompre avec la stratégie de l'"homme providentiel" qui, pendant la campagne électorale, enfume son monde avant de s'asseoir, sitôt élu, sur son tas de promesses, au nom d'un principe cher à l'historien allemand Oswald Spengler : "Le génie politique d'une foule n'est que sa confiance dans le commandement (1)." Ce sont ces trahisons à répétition des politiciens traditionnels qui ont rempli la panse du FN.
Nettoyer les écuries d'Augias, en commençant par chasser les remugles de tripot qui, après le fléau Copé, flottent dans les cuisines de l'UMP et déshonorent la politique. Alors que le FN frappe à la porte du pouvoir, il était temps que l'opposition passe de l'ère des hommes (ou femmes) de main à celle des hommes (ou femmes) d'État.
1. Le déclin de l'Occident.
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