La sorbonne en 1968 |
samedi 21 juin 2014
Les universités françaises sont-elle vraiment des «foyers de marxisme» ?
Dans une interview au Telegraph, François Fillon affirme que les universités françaises sont des «foyers de marxisme». Est-ce totalement caricatural ou cela recouvre-t-il une part de réalité?
Chantal Delsol: Ce n'est pas caricatural de le dire comme cela. Il ne s'agit pas de toutes les universités, bien sûr. Les choses ont beaucoup changé depuis vingt ans. Néanmoins on peut dire que les foyers de marxisme sont là, et aussi d'ailleurs dans les lycées - où il arrive que les enseignants votent à 80% pour Mélanchon! Cela traduit, à mon sens, à quel point les enseignants vivent dans un monde tout à fait abstrait, loin des réalités vivantes, en raison à la fois de leur statut et de la persistance de leurs vieux rêves idéologiques, dont ils n'ont souvent pas vu passer (ou pas voulu voir passer) la débâcle.
Avant la chute du mur de Berlin, la majorité des intellectuels français étaient marxistes. Cette influence a-t-elle perduré après la chute du mur? Vous-même, en avez-vous été témoin?
Oui on peut dire que jusqu'à la fin des années 90, 95% des intellectuels français étaient marxistes, marxisants ou marxiens d'une façon ou de l'autre, avec toutes les nuances qu'on connaît. Mon vieux maître Julien Freund est mort marginalisé de s'être proclamé anti-marxiste. Ces intellectuels ont attendu que le système s'écroule pour se poser des questions - ce qui n'est pas à leur honneur. Mais plus encore: j'ai vu des intellectuels français, avec lesquels je me rendais en Pologne au début des années 90, se jeter sur les Polonais en leur demandant comment ils allaient concrétiser enfin le marxisme démocratique - les Polonais les regardaient avec un tel mépris que j'en étais honteuse pour la France.
Ce marxisme a-t-il évolué? S'est-il adapté au politiquement correct?
Il ne s'est pas vraiment dissous, même si certains ont eu l'honnêteté de reconnaître qu'ils s'étaient trompés. Il est comme un fleuve qui se serait diffusé en marécage. Certains sont devenus écologistes, d'autres ont adopté des mystiques orientales ou pas, d'autres ont rejoint les extrêmes gauches utopiques dont le pays est si friand. Mais dans l'ensemble ce courant de pensée n'est plus nommément représenté.
Les syndicats étudiants sont encore majoritairement d'extrême gauche. Sont-ils représentatifs?
Ils n'ont jamais été représentatifs. Ils ne représentent qu'eux-mêmes, c'est à dire un groupe infime qui vocifère et dont tout le monde se moque.
Quel a été l'impact de cette prédominance du marxisme dans les universités sur la vie intellectuelle française?
On ne se débarrasse pas comme ça de ce que les gens du centre-est appellent la morsure hégélienne. Cela laisse un gout d'utopie qui inspire la vie entière et laisse croire que la réalité n'existe pas. Les universités vivent soviétiquement, aussi bien par les méthodes (ce qui est dit ne correspond pas à ce qui est fait) que par le langage orwellien (par exemple on ne parle pas de sélection et on en fait sous d'autres mots).
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