jeudi 1 mai 2014
Le souverainisme, religion des imbéciles
La bêtise est de tous les temps, mais ses limites sont sans cesse repoussées. À l'heure de l'éducation de masse, alors que toutes les informations scientifiques sont disponibles gratuitement sur la Toile, il y a toujours des créationnistes pour nier la théorie de l'évolution et vous expliquer sérieusement que l'humanité a été créée d'un seul coup, sans passer par l'étape simiesque.
Quand le complotisme est en marche, rien ne peut plus l'arrêter. Il y a aussi les timbrés qui vous arrêtent dans la rue pour vous "révéler" que le 11 septembre 2001 n'a pas eu lieu. Il y a encore des humains prétendument doués de raison pour donner du crédit aux théories de David Icke, qui affirme que des reptiles intergalactiques polymorphes sont parmi nous et conspirent pour asservir le monde à travers la haute finance. Il y a enfin les souverainistes qui vous "démontrent", avec une pénétration de coucou d'horloge, que l'Europe est la mère de la désolation.
C'est ce qui rend si affligeant le débat de la campagne des européennes. Au lieu de se demander comment faire pour que l'Europe marche mieux, des politiciens de supérette et des penseurs lobotomisés ont réuni leurs forces intellectuelles, si l'on ose dire, pour conclure qu'il est urgent de sortir de l'euro et, dans la foulée, d'en finir avec l'Union européenne. Dieu merci, les Français ne sont pas sur cette ligne : signe qu'ils sont plus lucides qu'une grande partie de leurs pseudo-élites, une enquête de l'Ifop pour Le Journal du dimanche (1) vient de révéler qu'ils sont encore 58 % à estimer que notre pays bénéficie de son appartenance à l'Europe.
L'Europe n'est pas la question, c'est la solution. Cette évidence est devenue tellement aveuglante que les souverainistes sont désormais obligés, pour continuer à proférer leurs âneries, de se boucher les oreilles devant le flot d'informations qui contredit leurs théories. Ainsi les économies ébranlées par la grande crise financière de 2008 relèvent-elles la tête les unes après les autres. La reprise se confirme en Espagne, où le chômage, l'un des plus élevés de la zone euro, commence à baisser. Les perspectives économiques s'améliorent mêmement au Portugal. Quant à la situation de la Grèce, toujours très mal en point, elle ne semble plus désespérée.
Même un homme comme Arnaud Montebourg, peu suspect d'européanisme compulsif, a fini par se convertir aux bienfaits de l'Union. C'est ainsi qu'il s'est battu, non sans un certain cran, pour que ce soit l'allemand Siemens, et non l'américain General Electric, qui reprenne les actifs d'Alstom dans l'énergie, autrement dit l'essentiel de l'activité de l'entreprise, présente par ailleurs dans les transports. Laurent Wauquiez, le vice-président de l'UMP, qui avait fait un pas de deux du côté des souverainistes, est revenu à la maison à cette occasion en plaidant, à juste titre, pour une solution plus globale : la construction d'un géant européen sur le modèle d'Airbus.
Même quand on n'aime plus l'Europe, on y revient toujours : la preuve par Montebourg et Wauquiez. Si la France se désindustrialise à grande vitesse, comme le montre l'affaire Alstom, après ce qui vient d'arriver à Peugeot ou Lafarge, l'Europe apparaît ainsi comme la seule bouée de sauvetage. La dernière chance. L'espoir ultime.
Les souverainistes ne peuvent pas comprendre cela. Comme s'ils étaient affectés d'une forme de psychose paranoïaque, ils vivent dans une bulle, coupés du monde tel qu'il est. Leurs hémisphères cérébraux ne reçoivent pas les informations qui contredisent leurs opinions. Sinon, ils ne vaticineraient pas contre l'euro fort ou ne réclameraient pas que la France en sorte au plus vite.
Certes, l'euro fort nuit, en plus du reste, à la compétitivité des exportations françaises. Mais, si son niveau atteint des sommets, c'est à cause de l'afflux en Europe de capitaux internationaux, qui fait baisser les taux souverains, notamment ceux de pays en convalescence comme l'Espagne ou le Portugal. Notre intérêt est-il de les précipiter à nouveau dans la crise ?
Deux chiffres devraient faire taire les perroquets du souverainisme : l'an dernier, avec des importations en baisse dans les deux pays, le déficit commercial de la France s'élevait à 61,9 milliards d'euros tandis que l'Allemagne affichait une excédent insolent de 198,9 milliards. Voilà bien la meilleure réfutation de toutes les fadaises souverainistes qui vont nous tomber dessus jusqu'aux élections européennes. Si l'économie continue à marcher outre-Rhin alors que la France est à la peine, comment nier que notre problème est français, et pas européen ? N'est-il pas temps de réformer notre fameux modèle ? Même le pouvoir socialiste a fini par l'admettre !
Mais qu'on ne compte pas sur les souverainistes pour réviser leur jugement : jamais ils ne quittent le formol, tels qu'en eux-mêmes l'éternité les fige.
1. Le 27 avril 2014.
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