TOUT EST DIT

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samedi 26 avril 2014

Une crise sans fin

Une crise sans fin


D’une défaite l’autre, après les municipales, les européennes. Quand l’autorité de Hollande est contestée par les siens, on reparle d’une dissolution…
François Hollande a nommé Manuel Valls pour sortir de la crise. Économique, morale, politique. « J’ai nommé Valls, a-t-il dit, pour qu’il fasse du Valls. » Mais quoi que fasse Valls, la crise politique ne cesse de s’approfondir. Et même de s’accélérer. On sait maintenant qu’un vent de panique a soufflé sur l’Élysée bien avant les municipales : le soir du 2 février, lors du succès de La Manif pour tous à Paris et à Lyon. La présence de familles musulmanes en tête de cortège signifiait que l’électorat musulman, qui avait massivement voté Hollande en 2012, était en train de fuir (à cause des initiatives “sociétales” de la gauche concernant le mariage, la famille, le genre, etc.). Ces projets avaient créé une fracture morale dans le pays et elle s’élargissait, faisant obstacle à tout retour de la confiance indispensable au pacte présenté par Hollande aux entreprises. Il fallait intervenir. Le lendemain, Valls se chargeait d’ajourner sine die tout nouveau texte sur la famille ou les couples homosexuels. En tentant d’épargner ainsi une fracture de plus au pays, il n’avait pas prévu qu’il allait en provoquer une autre dans sa majorité parlementaire.
Celle-ci compte une moitié de “primo-élus”, ces cent cinquante députés élus pour la première fois en 2012, l’équivalent de la vague des “barbus” de 1981, anciens syndicalistes ou permanents du parti, imperméables aux contraintes économiques et pour qui le pacte de responsabilité n’est que l’emballage de 30 milliards de “cadeaux aux patrons”. Lorsqu’ils apprennent que Hollande, et déjà Valls, fait en plus un “cadeau à la droite radicale”, ils enragent.
Mais ils ne peuvent rien ; il faut d’abord sauver les élections municipales, sur lesquelles reposent les structures du PS et son réseau d’associations. Quand le scrutin tourne au désastre, le 30 mars, ils désignent un coupable, Hollande. Or, celui-ci leur impose Valls à la place d’Ayrault, les oblige à voter la confiance, à accepter le changement de direction du parti, toutes choses qu’ils font la corde au cou.
Ce n’est pas fini. Le 16 avril, le Figaro publie son enquête annuelle rejouant la présidentielle de 2012. Le résultat 2014 (sondage OpinionWay) prolonge les municipales : Hollande arrive troisième, laissant Marine Le Pen face à Nicolas Sarkozy au second tour. Trois ans avant 2017, un tel sondage n’a aucune valeur “prédictive”, dit la gauche pour se rassurer. En réalité, ces résultats doivent être comparés à ceux de 2012. En deux ans, Hollande a perdu 10 points (de 28,6 % au premier tour de 2012, il tombe à 19 %) ; Sarkozy se renforce (de 27,2, il monte à 29) ; mais Marine Le Pen bondit de 17,9 à 25 % ! Ainsi, avec un Sarkozy consolidé, Hollande perd le tiers de ses voix et Marine Le Pen en gagne autant. Bref, l’électeur de gauche qui abandonne Hollande passe directement chez Marine Le Pen. Une humiliation.
En 2012, au soir du premier tour, six des dix candidats qui s’étaient présentés (de Mélenchon à Bayrou en passant par Eva Joly) s’étaient ralliés à Hollande, alors que Sarkozy n’avait aucun soutien (pas même celui de Dupont-Aignan et de ses 1,8 %). C’est dire le gouffre qui sépare la situation de 2014 de celle d’il y a deux ans. Non seulement Hollande a perdu ses alliés, mais il ne conserve que son autorité institutionnelle sur sa famille politique. Même repris en main par Cambadélis, le Parti socialiste est démoralisé, certain d’une nouvelle défaite aux européennes du 25 mai. Hollande a sacrifié Ayrault, Moscovici, Peillon, et quelques autres ; il a démis et remplacé Pierre-René Lemas, son secrétaire général à l’Élysée, puis le premier secrétaire du parti, Harlem Désir. Mais chacune de ces décisions est contestée quand elle ne fait pas scandale : Lemas nommé à la Caisse des dépôts, Désir aux Affaires européennes. La nomination de Voynet, ancienne ministre verte, à l’Inspection générale des affaires sociales, emporte les sarcasmes d’un Bartolone, président de l’Assemblée ; quant à l’affaire Aquilino Morelle, elle ne fait qu’accentuer l’isolement de Hollande, dans un climat de règlements de comptes. C’est sans fin.
« Nous voici dans une période de grande turbulence politique », dit le socialiste Julien Dray. Anciens présidents, l’un de l’Assemblée, l’autre du Sénat, Bernard Accoyer et Gérard Larcher se posent la question (dans le Figaro du 17 avril) : François Hollande finirait-il par dissoudre pour trouver une « martingale électorale » d’ici à 2017 ? « Improbable », disent-ils, tout en condamnant d’avance une cohabitation. Mais cette dissolution “improbable” était jugée impossible il y a six mois. Reste à savoir quand l’“improbable” d’aujourd’hui deviendra “probable”.

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