TOUT EST DIT

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dimanche 6 avril 2014

Hollande et nos internautes : pourquoi tant de haine ?


Si l'on en croit la psychanalyste Mélanie Klein, la haine serait la réponse du nourrisson à l'angoisse d'une union fusionnelle avec la mère. Cette relation amoureuse très particulière menace l'enfant par ses deux extrêmes qui sont à un pôle - si l'amour recouvre tout - l'engloutissement dans la fusion, et à l'autre pôle - si l'amour se retire - l'anéantissement par l'abandon. La haine s'enracinerait donc dans une interaction particulière, celle qui concerne un autrui maternel, autrui unique en son genre car il représente tout, avec corrélativement la menace pour soi de ne représenter rien. Dans cette perspective, la haine correspond à une ébauche d'identité séparatrice (je te hais donc j'existe) qui sera relayée, lorsque l'enfant sera plus grand et disposera du langage (et également quand le père sera mieux intégré à la relation), par le «non». Le «non» permet de se poser en s'opposant de façon moins destructrice: il est une affirmation de soi qui ne passe pas par un déni de l'autre.
En suivant cette ligne de pensée, on peut faire l'hypothèse que la personnalité d'un président peu directif serait propice à l'émergence de la haine. L'amabilité souriante sans expression déterminée d'une intention ne peut être combattue par un «non». Insaisissable, elle rentre plutôt dans le registre de la communication maternelle qui ne s'exprime qu'à travers une présence tendre et empathique. Il est à noter que le père de François Hollande était un homme d'extrême droite, très autoritaire et brutal. François Hollande a sans doute gardé des traces de cette expérience paternelle au point de s'abstenir de toute expression de soi qui pourrait paraître véhémente. En raison d'une allergie à l'agressivité, tous les conflits inévitables de l'existence - surtout quand on est un homme politique - seront traités par l'évitement ou la conciliation plutôt que l'affrontement.

Si l'opposition à la tendresse maternelle est plutôt de l'ordre de la haine alors que l‘opposition aux diktats paternels s'exprimerait plutôt sous une forme combative, les sentiments haineux risquent d'être redoublés quand l'affectation de bienveillance maternelle est le fait d'un homme. Même à notre époque de confusion des genres, on attend du masculin - à tort ou à raison - un autre comportement. L'ambiguïté déroute, et cette forme de «féminisation» du chef peut faire enrager certains hommes. On prendra cette remarque avec prudence: elle n'est pas un jugement de valeur. On notera d'ailleurs qu'à l'inverse, le président précédent se montrait au contraire excessivement masculin, et si l'on peut dire, presque «bodybuildé». Faut-il voir, là encore, la trace d'un père? On remarquera que celui de Nicolas Sarkozy, à l'opposé de monsieur Hollande père, pêchait par son absence… Trop de père, ou pas assez, pourrait conduire à des excès caricaturaux dans un sens comme dans l'autre, par manque de réelle autorité. Résultat: l'absence d'autorité de l'un incite à la haine, tandis que l'autoritarisme de l'autre provoque la colère.
J'ai employé à dessein l'expression «bodybuildé». Elle exprime, dans le contexte, une hypertrophie de la masculinité tant morale que physique. Physiquement, François Hollande se présente comme un homme dont les traits lisses et la silhouette replète n'évoquent pas la force physique. Cela pourrait aider à en faire un bouc émissaire, une autre façon d'être la cible de sentiments haineux. Car la fonction du bouc émissaire, que l'on choisit plus volontiers chez des individus faibles ou innocents, est précisément de prendre sur lui la haine de chacun pour permettre à la collectivité de se réunir sur son dos: une manière d'utiliser la haine comme un ressort coopératif et non plus séparateur. Mais après tout, bien d'autres présidents avant François Hollande n'avaient pas un profil de matamore et n'ont pas été des boucs émissaires.
Il ne faut pas négliger néanmoins le rôle d'amplificateur que joue Internet dans ce courant de haine. Rien ne s'oppose en effet à délivrer sur la toile ses divagations intérieures sans prendre de risque, puisque ces vociférations restent virtuelles et anonymes. La haine est alors un moyen d'exister, d'affirmer une identité fragilisée par l'immensité d'un espace d'expression accessible à tous, mais où chacun apparait dérisoire: une multitude d'interlocuteurs ignorés en mal de reconnaissance tentent d'y laisser leur marque par des propos provoquants.

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