vendredi 21 mars 2014
Pour bien comprendre Poutine en Crimée
Pour bien comprendre Poutine en Crimée
Vladimir Poutine vient de retourner contre l’Europe et les États-Unis ces fameux droits d’ingérence et d’autodétermination des peuples largement utilisés par l’Occident, depuis 1991, pour modifier des frontières — l’ex-Yougoslavie, partagée en six nouveaux pays (1991-1992) ; la Serbie, amputée du Kosovo (1999) ; le Soudan du Sud, détaché du Soudan (2011) — ou pour renverser des régimes — l’Irak (2003) ; la Libye (2011). Ces exemples montrent que l’Occident n’applique ces principes que dans son intérêt, déniant à d’autres puissances le droit de le faire. Quel naïf pouvait croire que cela allait durer éternellement ? En Crimée, Poutine a beau jeu d’affirmer qu’il vole au secours d’une population russe menacée (droit d’ingérence), qu’il laisse le peuple s’exprimer librement (droit à l’autodétermination). Le référendum du 16 mars était gagné d’avance, mais l’occupation militaire russe de la Crimée équivaut à l’opération de l’Otan au Kosovo ou au renversement franco-britannique de Kadhafi.
Les menaces ne pèsent plus grand-chose face à cette Russie qui affirme sa puissance retrouvée et se donne les moyens de sa politique — 600 milliards d’euros de crédits militaires sont prévus d’ici à 2020. Poutine avait subi le Kosovo, l’Irak, la Libye. Il a tenu bon en Géorgie, en Syrie, sur l’Iran. Il ne fait plus confiance à l’Occident, car il se souvient des promesses de non-élargissement de l’Otan, jamais tenues. La Crimée lui permet de tourner la page de vingt ans d’humiliations. C’est un tournant stratégique.
Comparer Poutine à Hitler peut satisfaire les obsessions d’intellectuels à courte vue mais n’aide en rien à la réflexion. L’homme est secret, rugueux, le dirigeant est cynique et brutal. Sans doute. Il faudra pourtant négocier avec lui. Poutine sait le faire, quand il le faut. Il ne craint pas la confrontation, si nécessaire. Il a perdu Kiev, prit aussitôt un gage à Sébastopol et nous rappelle que la négociation et la force restent au coeur des relations internationales. L’Occident l’a oublié et commence à payer le prix de sa démilitarisation. Il va devoir se réveiller. Surtout si, comme le dit justement Hubert Védrine, « nous n’avons pas les moyens de nos indignations, pas les moyens de nos émotions, moins que jamais ».
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