jeudi 23 janvier 2014
La reprise mondiale est là, mais elle n'a rien de réjouissant
La reprise est anémique en Europe, beaucoup plus vigoureuse aux Etats-Unis. Mais elle ne profite qu'à une frange infime de la population, déjà la plus riche, et laisse de côté tous les autres. Une situation qui ne peut durer.
L'économie est souvent qualifiée de science lugubre, une réputation à laquelle elle n'a pas failli au cours des cinq dernières années - et il est malheureusement probable que l'année qui commence ne nous apporte aucun réconfort. Le PIB réel (ajusté en fonction de l'inflation) par habitant de la France, de l'Italie, de la Grèce, du Royaume-Uni et des Etats-Unis est plus bas aujourd'hui qu'avant la Grande Récession.
Il y a quelques exceptions : après plus de deux décennies, l'économie du Japon semble sur le point de passer un cap, sous la férule du gouvernement Abe : mais compte tenu d'une économie soumise à la déflation depuis les années 1990, le rétablissement sera long. Le PIB réel de l'Allemagne par habitant est de son côté plus élevé en 2012 qu'en 2007 - bien qu'une croissance de 3,9 % en cinq ans ne soit pas vraiment une raison de pavoiser.
Ailleurs dans le monde, la situation est réellement lugubre : le chômage dans la zone euro reste obstinément élevé et le taux de chômage de longue durée aux Etats-Unis dépasse encore de loin son niveau d'avant la récession.
En Europe, si la reprise économique semble acquise pour cette année, ce ne sera que de manière vraiment anémique, avec une augmentation de 1 % seulement de la production prévue par le Fonds monétaire international (FMI). Puisque les dirigeants européens sont acquis aux mesures d'austérité et qu'ils ne progressent qu'extrêmement lentement pour corriger les problèmes structurels liés aux défauts de conception de la zone euro, les sombres perspectives d'avenir du Vieux Continent n'ont rien de surprenant.
De l'autre côté de l'Atlantique, on peut en revanche se montrer un peu plus optimiste. Les données révisées pour les Etats-Unis montrent que le PIB réel a progressé de 4,1 % au troisième trimestre 2013 tandis que le taux de chômage est enfin redescendu à 7 % en novembre dernier - son niveau le plus bas depuis cinq ans. Cinq années d'activité modérée dans le secteur du bâtiment ont en grande partie résorbé les constructions en excès intervenues pendant la bulle immobilière. L'exploitation des vastes réserves de gaz et d'huile de schiste a mis les Etats-Unis sur la voie d'une indépendance énergétique attendue depuis longtemps et réduit le prix du carburant à un plus bas historique, contribuant aux premiers signes d'une renaissance du secteur manufacturier. Et son secteur de haute technologie en plein essor suscite l'envie du reste du monde.
Plus important, le processus politique américain a retrouvé un semblant de normalité - les coupes budgétaires automatiques, qui ont amputé la croissance de 1,75 point de son potentiel, se poursuivent, mais de manière modérée. De plus, la courbe du coût des soins de santé - qui figure parmi les principaux facteurs des déficits budgétaires à long terme - s'est infléchie. Le bureau du budget du Congrès a d'ores et déjà prévu que les dépenses liées aux programmes Medicare et Medicaid (les programmes de soins de santé du gouvernement à l'intention des personnes âgées et des pauvres, respectivement) devraient s'établir à 15 % de moins que prévu en 2010.
Il est possible voire probable que la croissance américaine en 2014 soit suffisamment rapide pour créer un surplus d'emplois par rapport aux nouveaux arrivants sur le marché du travail. On peut tout au moins espérer voir une baisse du chiffre énorme (environ 22 millions) de demandeurs d'un emploi à temps plein et qui peinent aujourd'hui à en trouver un.
L'euphorie n'est pourtant pas de mise. Une quantité disproportionnée des emplois créés aujourd'hui sont des emplois à bas salaires - au point que les revenus médians des ménages continuent à décliner. Pour la grande majorité des Américains, il n'y a pas de reprise économique - alors que 95 % des bénéfices profitent à 1 % de la population la plus riche.
Avant même la récession, le capitalisme à l'américaine ne fonctionnait pas pour une grande partie de la population. La récession n'a fait que rendre plus évidentes ses aspérités. Le revenu médian des ménages (ajusté en fonction de l'inflation) reste plus bas qu'il ne l'était en 1989, il y a presque vingt-cinq ans ; le revenu moyen des hommes est également plus faible qu'il y a quarante ans.
Le nouveau problème des Etats-Unis est le chômage de longue durée qui touche près de 40 % des chômeurs, aggravé par l'un des plus médiocres systèmes d'allocations chômage parmi les pays avancés, qui prévoit en général une durée de versement des prestations n'excédant pas vingt-six semaines.
Avec la poursuite du grand malaise en Europe en 2014 et une reprise américaine qui exclut tout le monde, sauf les plus riches, je figure très certainement aux rangs des lugubres. Des deux côtés de l'Atlantique, les économies de marché ne répondent pas aux besoins de la majorité des citoyens. Combien de temps cela peut-il durer ?
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