Pourquoi avez-choisi d'écrire un livre d'anticipation de politique fiction et non un essai ?
Nicolas Baverez : Il s'agit en effet d'un conte politique et moral qui a une dimension satirique ce qui contraste avec les livres d'histoire ou les essais que j'ai précédemment écrits. Changer de forme m'a permis de m'adresser à tous les publics, y compris aux jeunes générations. Et puis, se projeter dans l'avenir, en 2040 en l'occurrence, m' a aussi permis d'échapper à la tyrannie de l'immédiateté. Or l'idée de ce livre était de montrer les épreuves qui attendent notre pays pour lui permettre précisément de les surmonter en faisant les réformes nécessaires.
Vous dressez un tableau de l'Europe, où finalement la France serait la seule à ne pas s'en sortir. Pourquoi ?
Tout d'abord, il ne s'agit pas d'un livre pessimiste, il montre que finalement rien n'est écrit. C'est vrai pour les pays émergents, puisqu'en 2040, certains continueront à se développer, ceux qui réussissent à se réformer. D'autres pourront avoir des difficultés comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui pour l'Inde, l'Indonésie ou l'Afrique du Sud. Pour l'Europe c'est la même chose, le monde développé n'est pas du tout condamné au déclin à condition de savoir s'adapter.
Concernant la France, ce que j'écris n'est pas excessif, mais parfaitement logique. Si notre croissance continue d'avoisiner le taux zéro, avec des dépenses publiques qui progressent de 2 à 3% par an et que le refus de l'impôt monte, il est clair que la France n'échappera pas à une crise financière. Avec une Europe du Nord, à la fois compétitive et bénéficiant d'un certain consensus social, et une Europe du Sud profondément réformée, si la France continue d'avoir une politique différente, elle fera éclater la zone euro. Et il est très important de donner à comprendre les dérives tragiques que nous nous promettons si nous ne changeons pas de cap.
Néanmoins, vous donnez quelques exemples de réussite à la française...
Nous avons en effet toujours des moyens d'actions que nous pouvons faire jouer sans attendre et qui permettraient de régler nos problèmes. Et c'est bien la morale de ce conte. L'avenir ne dépend que de nous, pas de l'Allemagne, ni de l'Europe, ni de la mondialisation. J'ai pris l'exemple du Sud-Est, pour des raisons objectives. Lyon est le seul endroit en France où la métropole a réussi à fusionner avec le département et où par ailleurs des formes de coopérations très poussées ont été mise en oeuvre avec l'Italie du Nord ou l'Allemagne du Sud. Je détaille aussi toute une galaxie de talents, parmi lesquels des enseignants, des gens formidables qui réussissent dans le secteur public et dans le secteur privé.
Par contre, aucun homme ou femme politique décrit dans votre livre ne se montre à la hauteur de la crise. De qui vous êtes-vous inspiré pour ces personnages ?
Ils répondent à des inspirations diverses. Il ne s'agit pas de caricaturer plus un camp que l'autre. J'ai résumé ce qui correspond aujourd'hui à un point d'équilibre des discours des responsables politiques de droite comme de gauche pour montrer à quel combien leurs discours étaient en décalage avec la réalité.
Votre personnage central, c'est à dire le directeur du FMI, vient lui du Bénin. Pourquoi avoir choisi le Bénin ?
Parce que c'est un pays qui se situe à proximité immédiate du Nigeria qui est une future grande puissance mondiale si son développement se poursuit. Par ailleurs, le Bénin est un pays souvent ignoré en France, mais qui comptera 400 millions d'habitants en 2050 . Et j'ai choisi l'Afrique pour renverser tous les lieux communs dans lesquels nous nous complaisons vis-à-vis d'elle. Pendant des décennies, ce continent a été présenté comme perdu pour la démocratie et le développement. Or, l'Afrique croît de 5,5% en moyenne depuis 2000.
Vous décrivez un FMI, finalement impuissant face à la crise française. Pourquoi de de grandes institutions financières ne pourraient-elles pas être efficaces ?
Aujourd'hui le FMI, l'Union européenne, l'Allemagne, la Banque centrale européenne font le même diagnostic sur la France : problème énorme de compétitivité, de chômage de masse, lié aux structures du marché du travail, qui s'ajoute à une dette publique colossale et à la non- coopération avec les autres pays de la zone euro. Les avertissements sont lancés, mais le sort d'une nation libre dépend avant tout de ses citoyens. Or pour l'instant, la classe politique française s'est enfermée dans le déni. Et les citoyens, surtout des jeunes qui ne voient pas de solution dans le système politique sont tentés soit par l'exil, soit par l'extrémisme. Et c'est cette logique qu'il faut absolument casser, car il y a une responsabilité de notre génération vis-à-vis de ces jeunes. C'est pour cette raison que j'ai écrit ce livre.
Propos recueillis par Claire Checcaglini
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