TOUT EST DIT

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jeudi 2 janvier 2014

"Hollande et la purée mathématique"

L'engagement numéro un du président d'inverser la courbe du chômage n'a été inventé que pour la circonstance. C'est tout simplement du flan !

Formulée la première fois en septembre 2012, répétée jusqu'à l'insistance au point de devenir l'engagement numéro un présidentiel, l'inversion de la courbe du chômage vient de se convertir en gloubi-boulga. François Hollande s'est fendu le 26 décembre d'un communiqué propre à souligner sa modestie face au succès et, du même mouvement, nous remonter le moral : "L'inversion de la courbe du chômage est désormais amorcée."
Sur le coup (très bref, hélas), on respire déjà mieux. Et puis, assez vite, on se demande si notre président ne serait pas victime d'un double, mal inspiré, qui lui coupe régulièrement ses effets ou bien lui souffle que la meilleure façon de passer à la postérité serait de proclamer une version ultra-fabriquée du réel. Première étape du doute absolu : inverser une courbe est une expression qui n'existe pas. C'est le mathématicien Étienne Klein, sur France Inter, qui le démontre aussitôt et affirme que "cette courbe du chômage" a été inventée pour la circonstance. "C'est de la purée mathématique", assène-t-il.
L'annonce n'est que la traduction numérique de la fonction chômeur. Sincère et véridique, le président aurait pu nous dire : "Nous continuerons de notre mieux à diminuer le nombre des chômeurs..." - ou encore : "Nous tenterons l'impossible pour que cette courbe augmente moins vite qu'avant." Mais l'entretien du flou est une volonté hollandaise. Nous a-t-il dévoilé que, depuis 2012, 300 000 chômeurs ont rejoint la cohorte de ceux qui peinent et s'angoissent tous les jours ? Le chiffre officiel, celui de la baisse des demandeurs d'emplois, est en effet aujourd'hui de 17 800 personnes. Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont sortis d'affaire.

Calculs tordus

Le calcul est plus complexe. Il est basé, d'une part, sur l'Insee (Institut national de la statistiques et des études économiques), qui publie ses résultats chaque trimestre à partir d'un échantillon de 100 000 personnes "ayant au moins 15 ans, disponibles, cherchant du travail, inscrites ou non à Pôle emploi". D'autre part, selon les critères de Pôle emploi, et la publication mensuelle de ses chiffres, cela correspond à une "personne n'ayant pas eu d'activité pendant le mois et cherchant du travail". En principe, c'est crédible. En réalité, c'est tordu. Parce que Pôle emploi classe les gens en trois catégories, A, B,C.
Si vous voyez une baisse de 20 000 chômeurs en catégorie A, ce n'est pas du tout qu'ils sont tirés d'affaire, c'est qu'ils sont descendus en catégorie B et C - pour exercer dorénavant une activité réduite. Parfois très réduite. Si un prof de maths trouve un petit boulot, deux heures de cours par mois, hop, radié, fini le chômage. Les contrats aidés, en stage ou en formation ne sont pas non plus comptabilisés - moins 16 000 en un mois. Sans oublier une forte hausse des radiations administratives, 11 000 supplémentaires sur novembre, soit faute de s'être "actualisé" soit pour non-réponse à une convocation. Le problème est que la chose (l'administration) étant totalement informatisée, celui qui est en rupture d'Internet - s'il n'a pu payer son abonnement, par exemple - est radié.

Une population entière tachée par les suicides

Les vrais chiffres ? Fin octobre, 4,88 millions de chômeurs étaient inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B, C. Ils ne comprennent pas tous ceux qui sont perdus pour les statistiques et le beau discours de l'Élysée. Ceux qui ne se sont jamais inscrits ("on voit bien, à la télévision, les usines qui ferment tous les jours") et ceux qui ont abandonné, dégoûtés de la paperasse inutile à remplir et des interminables tunnels administratifs. Le Mouvement national des chômeurs et précaires voit dans la difficulté et le non-sens des procédures administratives un bon moyen de faire décrocher le chômeur et de l'effacer des statistiques.
Il y a aussi ceux qui meurent tous les jours et ne font plus la queue au guichet. Une personne s'immole tous les 15 jours en France pour cause de chômage. Chacun peut regarder sur Internet Le grand incendie, un webdocumentaire qui raconte ceux qui ne voient plus d'autre issue que la mort et se la donnent le plus souvent sur leur lieu de travail. On en parle à peine. Parce que c'est la population entière qui est tachée par ces suicides. François Hollande devrait adapter son discours, ne plus en faire l'enjeu d'une aura publicitaire avec sa courbe mal ajustée, mais lutter, se battre pour la création ou le rétablissement d'emplois durables. Les seules offres collectées en hausse ont été celles des contrats courts (6 mois) ou très courts (1 mois). Le coût du travail, monsieur le Président, si cela se trouve, est moins élevé que celui d'un chômeur.

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