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samedi 4 janvier 2014

Chômage : le déni hollandais vu de l'étranger


A la suite de l'annonce des chiffres du chômage de novembre, la presse française a réagi vivement aux déclarations de François Hollande sur l'inversement de la tendance. La presse étrangère n'est pas en reste ; l'occasion pour les Britanniques de rappeler la situation désastreuse vers laquelle s'achemine la France, alors que les Allemands se montrent plus nuancés et davantage préoccupés par le sud de l'Europe.

Atlantico : Vendredi, un article du Daily Mail relevait le déni dans lequel se trouve François Hollande, compte tenu de la situation économique de la France. Comment cette dernière est-elle perçue, d'une manière générale, par la presse étrangère ? 

Hugh Schofield : Il convient tout d’abord de préciser que taper sur la France fait partie du fond de commerce du Daily Mail, en bon quotidien anglo-libéral qu’il est. Je crois, par ailleurs, que la plupart des Britanniques auraient la même opinion. Si l’on regarde plus précisément le paysage journalistique britannique, on peut constater que les principaux journaux marqués à gauche comme The GuardianThe Independent, ou The Observer, s’efforcent de trouver de bonnes choses à dire sur l’économie française. Mais leurs propos ne résistent pas à la réalité de la situation, et leurs conclusions sont finalement assez similaires à ce que l’on peut lire dans des journaux de la droite libérale comme le Times ou le Daily Mail, qui sont tous unanimes pour dire que la France s’achemine vers un désastre.D’une manière générale, il faut se méfier de ce que peut dire la presse britannique au sujet de la France car tous les titres baignent plus ou moins dans le libéralisme, y compris The Guardian et The Independent. Ces deux derniers titres, même si l’on pourrait les soupçonner d’être un petit plus pro-français que les autres, sont très angoissés au sujet de l’avenir de l’économie française, et de la politique menée qui vise à augmenter les impôts et non pas à s’attaquer aux dépenses de l’État.
Plus généralement, les journaux de la droite européenne partagent le même avis sur François Hollande et sa politique économique ; ceux de gauche sont, assez logiquement, plus positifs dans leurs propos sur la conduite de la politique du président français. Aux yeux de ces derniers, François Hollande a bien analysé le problème, qui est celui de la réduction du déficit et du poids de la dette. Mais aucun des prédécesseurs de François Hollande ne s’est jamais attaqué à ce problème, et on peut noter peut-être chez lui, pour la première fois, un début d’action vis-à-vis de ce problème. Ce qui ne va pas dans son action, et qui est généralement dénoncé par la presse étrangère à tendance libérale, c’est qu’il agit sur l’impôt.

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De quelle manière la presse étrangère perçoit-elle le déni qui existe entre les chiffres du chômage en France (10,5 % et plus de 17 000 demandeurs d'emplois de plus en novembre) et les propos de Hollande selon lesquels la courbe du chômage a déjà commencé à s'inverser ? 

Hugh Schofield : Concernant les récentes déclarations de François Hollande sur le chômage et les chiffres qui sont sortis le lendemain de Noël, il n’y a rien de plus risible ! Comment peut-on jouer de manière aussi flagrante avec les chiffres ? Si le gouvernement anglais avait osé dire, en dépit d’une augmentation du nombre de demandeurs d’emplois, que la courbe du chômage s’inversait, il n'aurait pas été improbable d'entendre des appels à la démission. Dire que l’on inverse la courbe du chômage n’a aucun sens, dans la mesure où tout le monde sait qu’à un certain moment, une courbe atteint son pic, et qu’à ce moment-là forcément elle entame sa descente ; mais cela ne veut pas dire que le problème a été résolu. On ne jouerait pas comme cela avec les chiffres en Angleterre ! De telles déclarations de la part de François Hollande, c’est totalement abject et décrédibilisant sur le plan politique.
Lothar Rühl : D’une manière générale, les niveaux d’emploi dans toute l’Europe sont un sujet de préoccupation majeurs pour les journaux économiques allemands, moins pour les titres plus généraux comme la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Dans son ensemble, la presse allemande ne s’occupe pas dans le détail de la situation économique de la France. Elle s’intéresse plutôt à des pays comme l’Italie, l’Espagne et la Grèce.

Quels sont les échecs de François Hollande que la presse étrangère a généralement tendance à lui imputer ? 

Hugh Schofield : Le cliché, c’est qu’il est mou et faible. Quand je rentre en Angleterre, il est fréquent que l’on me demande s’il est effectivement vrai qu’il est si mou et si faible. C’est l’un de ses principaux traits qui est relayé auprès de la population britannique via la presse, et notamment les titres économiques. Le fait qu’il n’ait pas su s’attaquer aux vrais problèmes témoigne de cette faiblesse auprès des journaux britanniques. Il donne l’impression d’être fort en ce qui concerne la politique étrangère, mais pour masquer justement ses défaites sur le plan national. Ses interventions au Mali et en Centrafrique sont perçues comme des moyens de récupérer des points dans les sondages. Ce sont vraiment les principales analyses que l’on retrouve dans les journaux britanniques.
Lothar Rühl : Principalement, il s’agit du manque de réformes structurelles que la presse allemande met en évidence à travers l’absence de base solide entre le patronat et les syndicats, ce à quoi les Allemands sont sensibles, car les rapports chez nous sont plutôt équilibrés. Les journaux allemands constatent également la faible compétitivité des entreprises françaises à l’international. Ils dénoncent également les critiques souvent formulées par la France à l’égard du niveau des exportations allemandes; sans oublier le niveau trop faible des privatisations des entreprises françaises, qui a toujours été relevé par la presse allemande : trop d’étatisme et pas assez de compétition entre acteurs privés.

François Hollande est considéré comme l'un des présidents les moins populaires de toute l'histoire de la Vème République. La presse étrangère partage-t-elle cette vision du président français ? 

Hugh Schofield : Oui, absolument. Personnellement, je ne me fie pas trop à ce type de sondage de popularité. Depuis quinze ans que je suis en France, j’en ai vu des sondages jugeant l’action des présidents français, et des commentateurs dire que l’un ou l’autre n’a jamais été aussi bas… Mais cela est davantage révélateur de l’état d’esprit général des Français. Personne ne remet en cause son caractère sympathique, mais il est évident quepersonne ne croit qu’il s’agit de celui qui mènera la France vers un avenir radieux. Ces sondages ne signifient donc pas vraiment qu’il est fondamentalement mauvais, mais plutôt qu’il n’a pas su s’attaquer aux problèmes, et donc améliorer le moral des Français. C’est une tendance assez historique en France.
On pourrait d’ailleurs comparer la situation actuelle de la France à celle de 1958,lorsque les niveaux de dette et de chômage étaient également très importants. Pour sauver la France, seule une force drastique pourrait remédier à cette situation, ce que n’incarne aucunement François Hollande.
Lothar Rühl : La presse allemande renvoie cette image, mais on ne peut pas dire qu’elle la partage. Les journaux allemands sont en général assez neutres en ce qui concerne les critiques formulées contre Hollande et le gouvernement. Ils les rapportent seulement, en précisant les raisons.

Y-a-t-il eu par le passé d’autres présidents, français ou étrangers, pris en flagrant délit d'un aussi fort déni de réalité ? 

Hugh Schofield : Mais tout le monde joue avec les chiffres, avec plus ou moins de tact. Il y a néanmoins des limites à ne pas dépasser, ce que vient pourtant de faire François Hollande en affirmant une baisse tendancielle du chômage alors que l’on annonce plus de 17 000 nouveaux demandeurs d’emplois !

Quel écho la presse étrangère donne-t-elle à l'opposition française, qui pointe du doigt ce déni de réalité de la part de Hollande concernant la situation économique de la France ?

Hugh Schofield : L’image de l’opposition n’est également pas bonne auprès de la presse britannique. La seule chose qui est véhiculée, ce sont les déchirements au sein de cette opposition, en plus du potentiel retour de Nicolas Sarkozy. L’opposition n’est pas perçue comme crédible pour que la presse britannique lui accorde son attention. En ce moment, la seule chose qui intéresse la presse étrangère au sujet de la France, ce sont les difficultés de François Hollande et la montée du FN de Marine Le Pen.
Lothar Rühl : La presse allemande ne se réfère pas à l’opposition parlementaire française pour ce qui concerne les critiques formulées à l’encontre de François Hollande et de son gouvernement. L’opposition actuelle en France n’a pas vraiment d’écho en Allemagne.

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