lundi 9 décembre 2013
Grèce: les niches fiscales intouchables
Émotion en Grèce, à la suite de la publication, vendredi dans Libération, de l’entretien que j’ai eu avec le ministre des Finances, Yannis Stournaras. Incident au Parlement, article mentionné dans les journaux télévisés du soir, publication d’un démenti par ledit ministre. Que s’est-il passé ?
Alors que je l’interrogeais sur le fait que beaucoup de personnes et d’entreprises échappaient encore à l’impôt en Grèce, Yannis Stournaras m’a répondu : « Ce faible niveau des recettes fiscales est dû à deux facteurs : d’une part, il y a beaucoup d’exemptions d’impôts, bien plus que dans le reste de l’Europe. Il faut donc supprimer ces niches fiscales, ce que nous allons faire par exemple pour la TVA pratiquée dans les îles qui est inférieure à celle du continent, ou encore pour les agriculteurs qui vont être imposés dès 2015. D’autre part, la Grèce est confrontée à une forte fraude fiscale : des économistes grecs de l’université de Chigago ont comparé, en prenant les chiffres d’une banque grecque, les remboursements d’emprunts payés par une catégorie d’indépendants et les revenus qu’ils déclarent au fisc. Ils ont découvert que leurs remboursements sont deux ou trois fois supérieurs aux revenus soi-disant perçus… Avec l’aide de l’Union et du FMI, nous nous sommes attaqués aux fraudeurs et certains sont même en prison ».
C’est la mention d’un alignement de la TVA applicable dans les îles sur celle du continent qui a mis le feu aux poudres, car il s’agit d’un sujet tabou en Grèce, comme ceux de l’imposition des biens de l’Église ou des armateurs. Embarrassé, le ministre, déjà contesté par une partie de la Nouvelle Démocratie, le parti du premier ministre Antonis Samaras, a publié ce communiqué : « l'interview du ministre des Finances au journal Libération a été donnée en grec et, il est évident que, dans son transfert vers le français, ces propos ont été mal interprétés et ses réponses déformées. Car, jamais Mr Stournaras n’a évoqué la possibilité de disparition des exemptions (fiscales). Il a juste évoqué des exemples concrets de certaines exemptions des règles générales qui allègent les charges fiscales » (1).
Alors, aurais-je mal compris ? En réalité, non : Yannis Stournaras a bel et bien cité plusieurs exemples de niches fiscales, dont la TVA dans les îles et les terres agricoles, les secondes devant être taxées dès 2015. Il a aussi cité les armateurs, reconnaissant qu’une modification de la Constitution (qui prévoit cette exemption) serait trop compliquée à obtenir à court terme, une partie que je n’ai pas reprise dans l’entretien, parce que trop longue et trop complexe à expliquer. Il est évident pour moi, en réécoutant l’entretien, que l’exemple de la TVA n’a pas été cité au hasard : le ministre aurait pu en citer un autre. Dans le déroulé de la conversation, il était clair qu’il s’agissait pour lui d’un problème. Mais, comme il s’agissait d’une traduction du grec (en direct, puis, ensuite, avec réécoute par l’interprète), j’ai pris la précaution d’envoyer jeudi en fin de matinée (à deux reprises, par sécurité) l’entretien retranscrit à son secrétariat qui n’a pas réagi. Ce qui pour moi, vaut approbation. Si le ministère m’avait alors dit que j’avais mal interprété ses propos, j’aurais évidemment corrigé, mon but n’étant pas de trahir la pensée de mon interlocuteur.
Sans chercher à polémiquer, je dirais qu’il s’agissait d’un ballon d’essai de la part d’un professeur d’économie qui sait parfaitement ce que coûte à l’État grec cette niche fiscale. Il a pu ainsi constater qu’il y avait des vaches sacrées auxquels on ne pouvait pas encore toucher en Grèce en dépit de la crise…
(1) En grec : « Η συνέντευξη του Υπουργού Οικονομικών στην εφημερίδα «Liberation» δόθηκε στην ελληνική γλώσσα και κατά τη μεταφορά στη γαλλική προφανώς παρερμηνεύτηκαν και αλλοιώθηκαν οι απαντήσεις του, αφού ο κ. Στουρνάρας ουδέποτε αναφέρθηκε στο ενδεχόμενο εξάλειψης εξαιρέσεων. Απλώς ανέφερε ως παραδείγματα συγκεκριμένες εξαιρέσεις από τους γενικούς κανόνες που μειώνουν το φορολογικό βάρος ».
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