lundi 9 décembre 2013
A quoi ressemblerait un nouveau parti de Nicolas Sarkozy ?
Selon Le Nouvel Observateur, Nicolas Sarkozy envisagerait comme "piste sérieuse" pour son retour en politique la création d'un nouveau parti. Si le délabrement de l'image de l'UMP crédibilise cette option, elle comporterait aussi de nombreux désavantages.
Guillaume Bernard : Alors que Charles de Gaulle avait espéré la Ve République comme un régime où le jeu des partis serait restreint par les institutions, l’élection du président de la République au suffrage universel direct leur a rendu un rôle déterminant : la sélection d’un candidat présidentiable et l’investiture des candidats aux législatives chargés de former la majorité parlementaire soutenant le gouvernement désigné par le chef de l’État. Les partis politiques sont donc devenus des écuries présidentielles. Il est donc assez probable que si Nicolas Sarkozy se lance dans la création d’un parti politique, ce sera pour porter sa candidature à la prochaine élection présidentielle.
Outre que cette information doit encore être confirmée, on ne sait pas dans quels délais cela est prévu. Car, à moins que le mandat de François Hollande soit écourté, il y aura, avant la prochaine présidentielle, pas mal d’autres élections : municipales, européennes, sénatoriales, régionales, territoriales (ex cantonales). Si le parti est créé alors qu’il ne présente pas de candidats à ces élections, cela risque de trop apparaître comme une stratégie purement personnelle.
Enfin, pour ce qui est de son idéologie, tout est possible. D’abord parce que Nicolas Sarkozy se veut un pragmatique : par refus de toute idéologie sclérosante, il développera un discours qui lui semblera le mieux correspondre à l’état de la société. Ensuite, parce que le marketing politique permet de segmenter le discours afin de s’adresser à un électorat le plus large possible : rassurer les électeurs « déterminés », capter le maximum d’électeurs « flottants ».
Étant donné que l’UMP ne semble pas profiter de la baisse de popularité de l’éxécutif socialiste, les deux objectifs ne sont pas contradictoires ; ils convergent : renouveler, à la fois, l’offre électorale et l’image personnelle de l’ancien président de la République.
Il est certain qu’il y a une aspiration dans l’opinion publique d’un renouvellement politique. Mais, s’il lance vraiment son parti politique, Nicolas Sarkozy sera confronté à un certain nombre d’embûches. L’une d’entre elles n’est pas mineure : il devra trouver le moyen de faire oublier à une partie de son électorat la déception qu’il a suscitée en raison du décalage entre son discours de 2007 (ou du moins la manière dont il a été perçu car il a, en fait, toujours défendu l’idée du multiculturalisme dans son positionnement sur l’identité nationale) et l’orientation de sa politique pendant son quinquennat. Une partie de ses électeurs sont partis au FN au premier tour de la dernière présidentielle et il n’est pas certain qu’ils reviennent pour la prochaine. S’ils l’ont fait au second tour de 2012, c’était moins par enthousiasme que par opposition à François Hollande.
De manière générale, c’est la question du positionnement de ce parti et de Nicolas Sarkozy sur l’échiquier politique qui est en jeu. Tout le monde l’attend sur des positions « droitistes », celles de ses campagnes présidentielles. Et il est tout à fait possible qu’il en soit ainsi ne serait-ce que pour assurer une certaine cohérence de son image. Mais, cela n’est pas totalement certain. Car, si la « droite forte » s’occupe effectivement de ratisser à droite pour lui, un positionnement plus central (au sein de la droite) permettrait deux choses : d’une part, ne pas aller directement à la confrontation avec le FN qui est en cours de renforcement (l’objectif d’à peu près tous les partis est d’affronter le candidat du FN au second tour et au non au premier) et, d’autre part, occuper un créneau empêchant d’autres candidatures qui pourraient parasiter la sienne (notamment celle de son ancien Premier ministre). Il ne s’agit naturellement, là, que d’une hypothèse. Cela dit, le fait que Nicolas Sarkozy apporte son soutien à Nathalie Kosciusko-Morizet qui, c’est un euphémisme, est peu appréciée par le clan le plus droitier de l’UMP, pourrait corroborer cette interprétation.
La crédibilité de ce nouveau parti dépendra, effectivement, de sa capacité à renouveler les visages de la politique. Il sera difficile de faire croire à du neuf en reprenant uniquement les mêmes personnes. Il faudra que l’ancien chef de l’État trouve de nouvelles têtes capables de renouveler la forme et le fond du discours.
Sans doute pourra-t-il fédérer un certain nombre de groupes déjà existants qui se sont sentis écrasés dans l’UMP (le PCD ?) ou qui n’ont pas réussi à trouver une place claire dans l’alliance UDI-MoDem (le CNI ?). Sans doute essayera-t-il aussi de récupérer les scories du MPF qui, si Philippe de Villiers ne faisait pas de retour en politique, ne semble pas avoir vraiment d’avenir. Mais, sans offense, il faut bien le dire, cela ne représente pas grand chose. Ce sont des appoints intéressants pour gagner une grande bataille politique, mais ce n’est pas le gros des troupes militantes ni des électeurs. C’est surtout de la « droite forte » et, peut-être, de la « droite populaire », deux courants internes à l’UMP, que Nicolas Sarkozy peut sans doute attendre le plus fort soutien.
Pour d’autres organisations non partisanes, c’est plus compliqué. Vous évoquez le cas de « La Manif Pour Tous ». Or, si celle-ci devait se rallier à un parti (quel qu’il soit d’ailleurs), elle perdrait l’essentiel de sa crédibilité (il est vrai que, depuis la fin des grandes manifestations, ses objectifs et modes d’action ne sont pas très clairement définis). Ce qui a fait la force de « La Manif Pour Tous », c’est qu’elle a su rassembler des personnes aux appartenances partisanes diverses qui ont mis leurs différences de côté pour, ensemble, interpeler et agir sur l’ensemble de la classe politique. Etant une organisation monothématique, « La Manif Pour Tous » ne peut survivre (mais elle peut aussi grandir) qu’en devenant un authentique lobby : par exemple, en constituant des réseaux, faire élire (ou faire battre) des candidats de différents partis en fonction des engagements pris ou refusés voire reniés. Si elle devait se transformer en une officine fournissant des candidats (dont l’objectif sera d’être élus, puis réélus…) à un parti politique, ce serait le signe qu’elle a perdu son âme (et que les efforts en temps et en argent de milliers de familles n’aura servi qu’à faire la carrière de quelques uns) : au lieu de ne rien lâcher (selon son propre slogan), elle aurait tout gâché !
Il est certain que la stature d’un ancien président de la République (de la Ve !) se conjugue mal avec une compétition interne à un parti. Constituer une nouvelle organisation peut, effectivement, être un moyen pour essayer d’échapper à une telle contrainte. Encore que s’il apparaissait comme le seul candidat crédible, que la primaire soit sans grand risque, le fait d’être désigné par l’UMP lui permettrait d’imposer silence à ses concurrents et non moins amis… du même camp.
Mais surtout, ne pas se soumettre à la primaire de l’UMP, c’est se couper des financements qu’elle pourrait lui apporter. Or, une campagne, surtout présidentielle, coûte très cher. Et les partis n’obtiennent des subsides publics que sur la base des élections législatives qui devraient suivre la prochaine présidentielle. Ne pas avoir le soutien d’un parti représenté à l’Assemblée nationale, c’est un handicap de ce point de vue qui ne peut être négligé.
Cela dit, il est assez vraisemblable que Nicolas Sarkozy table (ou du moins pronostique) un important échec (un effondrement ?) des partis politiques modérés (à l’occasion des prochaines élections, en particulier européennes) tel que le soutien de l’une de ces organisations discréditées lui apparaisse plus comme handicap que comme un point positif. Face à l’incapacité des forces politiques actuelles à endiguer le FN, sa stratégie sera peut-être de se présenter comme le recours (en arguant du précédent de 2007).
Sa capacité à réussir dans cette stratégie dépendra de l’efficacité de son discours, efficacité tant d’un point de vue philosophique que sociologique : il faudra qu’il apparaisse cohérent avec les mouvements idéologiques de fond et qu’il parle à la société française. Si j’ai raison sur ce que j’ai appelé le « mouvement dextrogyre » (qui pousse idées et organisations partisanes de la droite vers la gauche), tenter de discréditer le FN en l’accusant de ne pas être libéral (ou en expliquant, à l’inverse, qu’il serait socialiste, notion qui ne doit pas être confondue, comme l’explique très bien Jean-Pierre Deschodt, avec le collectivisme), ne sera vraisemblablement pas efficace. Il me semble qu’il faudra trouver un autre angle.
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