dimanche 6 octobre 2013
Diderot, homme communiste ?
Diderot, homme communiste ?
Au retour d'Iran - merci au petit chat qui, probablement dans son sommeil, a détourné la mort de moi sur la route de l'aéroport -, je trouve, dans mon courrier, Diderot, la vie sans Dieu, de Jean-Paul Jouary (Le Livre de poche, 5,60 euros). D'abord l'histoire du chat. Un chat n'a jamais mordu le Prophète, n'empêche qu'ils ne sont pas plus aimés que les chiens dans les pays musulmans. La veille de mon départ de Téhéran, l'un d'eux miaulait de faim, non loin de notre table sur la terrasse du restaurant-buffet de l'hôtel Parsian Azadi. Ma guide lui a dit de partir et j'ai su alors que je ne l'épouserais jamais. Elle était pourtant mignonne avec son hidjab un peu déchiré, ses lunettes de Nana Mouskouri, sa blouse d'écolière de 27 ans et ses Nike d'importation clandestine. J'ai donné la moitié de mon poulet au chat et suis retourné au buffet pour lui en rapporter une assiette. Les buffets, c'est pratique, surtout quand on a un animal à nourrir. D'habitude, c'est moi, l'animal que j'ai à nourrir. Ce soir-là, c'était lui. Le lendemain, quand notre auto, à 130 kilomètres/heure, est passée à 5 centimètres d'une voiture arrêtée que le chauffeur n'avait pas vue, j'ai su que Dieu existait et que c'était un chat. Il m'avait protégé parce qu'il avait bien mangé. C'est une nouvelle religion, elle s'appelle le chatisme. Et c'est la bonne. Une chatte n'est-elle pas à l'origine du monde ? Dieu est un chat et, pour lui plaire, souris.
Jouary a eu la bonne idée de ne pas laisser Diderot aux gros sabots d'Éric-Emmanuel Schmitt, de le chausser de fins escarpins de la dialectique non défiscalisée. Dans ce livre destiné aux élèves de terminale et aux étudiants de premier cycle, il expose la vie et les idées de l'homme qui nous a appris à être nous-mêmes, donc à être heureux. Nous ne sommes plus en terminale ni dans le premier cycle. Ce livre est une excellente occasion d'y retourner. Je vais le proposer pour le prix Renaudot poche. L'année dernière, nous avons couronné Pascale Gautier, pour Les vieilles (Folio). Elle vient de dépasser les 150 000 exemplaires. Pourtant, au restaurant, on continue de partager. Ces vieilles.
Francis Combes présente, au Temps des Cerises, L'homme communiste, de Louis Aragon (22 euros). Avec Les communistes etLittératures soviétiques, c'est l'ouvrage le plus militant, donc le plus décrié, du fou d'Elsa. Un de ceux qui justifient, aux yeux des enseignants, sa mise à l'écart des programmes scolaires et des études universitaires. C'est un fort volume d'une tendresse et d'une liberté incomparables, où défilent des héros modestes. Guy Môquet qui "a été fusillé évanoui". Ou "Péri, Politzer, Cadras, Solomon, Decour, morts sur ce chemin qui conduit à la France forte, libre et heureuse"... Qu'il est long, le chemin. Ces textes, nous explique Combes, ont été écrits de 1937 à 1953 et sont, pour la plupart, des réponses à des attaques anticommunistes, les plus féroces datant du régime de Vichy. C'est le problème des génies du style : quand ils répondent à des attaques, le temps ne retient que leur réponse. Du coup, ils ont l'air agressif, alors qu'ils étaient agressés. Diderot aurait-il rejoint le Parti communiste ? C'est probable, puisqu'il l'a fondé.
On est toujours tenté d'écrire Téhéran "Théhéran", sans doute parce que le thé est la seule boisson forte autorisée en Iran.
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