TOUT EST DIT

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vendredi 20 septembre 2013

Aimez-vous les uns les autres !

Aimez-vous les uns les autres !


Si tout va mal en France, il y a au moins un domaine où nous excellons : la production de fiel, de pessimisme ou de mauvaise humeur. C'est vrai à tous les étages de la société, jusque dans l'opposition, qui, au lieu d'engranger sur l'impopularité du pouvoir, réussit l'exploit de baisser dans les sondages sur les intentions de vote.
Quand il y a un problème chez nous, on crée un comité Théodule. Après, on est tranquilles. Pourquoi pas un observatoire de la droite ou de l'UMP ? Plus sérieusement, le gouvernement a déjà créé un observatoire national du suicide à l'occasion de la 11e Journée mondiale de la prévention de ce fléau. En attendant la Journée de la gentillesse, programmée le 13 novembre prochain.
On a les records que l'on peut : notre taux de suicides (14,7 pour 100 000) est l'un des plus élevés d'Europe, où la moyenne est de 10,2, loin devant la Grande-Bretagne (6,4), l'Espagne (6,3) ou l'Italie (5,4). En France, 27 personnes se suicident chaque jour. Trois fois plus meurent de la sorte qu'à la suite d'accidents de la circulation.
Derrière ces chiffres calamiteux, il y a des tragédies personnelles mais aussi, à l'évidence, un état d'esprit général avec lequel il est temps d'en finir. Cette haine de soi. Cette aigreur et cette désolation nationales. Cette sensation de catastrophe permanente que distillent souvent les médias avec une sorte de jouissance complaisante.
La France n'est pas seulement pessimiste, elle est malheureuse. De son tréfonds montent des concerts de plaintes et de gémissements, souvent justifiés, contre la montée de l'insécurité, l'autoreproduction des élites, la désindustrialisation rampante, la routine des incivilités, les tracasseries administratives ou les politiques économiques ineptes.
À croire que le défaitisme est devenu l'idéologie dominante de notre pays, où l'on sent que le rire deviendra sous peu un délit dès lors qu'il sortira des sentiers battus, tandis que le libéralisme, belle invention française d'avant la révolution de 1789, est présenté à nos enfants par beaucoup de nos chers professeurs comme une entreprise diabolique visant à sucer le sang des pauvres.
En vertu du phénomène bien connu de la tectonique des plaques, nous nous éloignons peu à peu du centre du monde, désormais de l'autre côté de la Terre, dans cette Asie qui aspire de plus en plus notre jeunesse et nos énergies. Notre dérive est idéologique tout autant que morale, sociale ou économique. La France se déconnecte et nos gouvernants se gardent bien de remettre les fiches dans les prises, ça risquerait de troubler la digestion des uns et des autres.
Le paradoxe français est que, dans ce climat délétère, le stress ne cesse d'augmenter. On ne dira jamais assez le mal qu'a fait au pays la réforme débile des 35 heures. D'abord, elle n'a pas créé d'emplois. Ensuite, elle a cassé la valeur travail, ce travail auquel il s'agit désormais d'échapper. Enfin, les entreprises cherchant naturellement à maintenir la productivité, elle a renforcé la pression sur les salariés, qui se plaignent souvent de "harcèlement moral".
Faut-il désespérer de l'avenir ? Dans son Plaidoyer pour l'altruisme (1), l'oeuvre de sa vie, Matthieu Ricard, fils de Jean-François Revel et moine bouddhiste depuis quarante ans, explique, au terme de recherches impressionnantes, que la bienveillance pourrait devenir l'idéologie de demain. Après la grande vague cynique et narcissique qui a déferlé sur le monde à partir de la fin des années 60, l'heure serait désormais au positif et à l'empathie.
L'homme n'est pas nécessairement né mauvais et cupide. Charles Darwin avait déjà noté que l'animal était capable d'amour, de sympathie et d'altruisme. L'entraide est dans la nature, chez les dauphins comme chez les éléphants.
Osons la bonté et l'harmonie durable : tel est le credo de Matthieu Ricard, qui prétend, exemples à l'appui, que ça marche économiquement. Pour lui, il n'est que temps de tourner le dos au modèle individualiste actuel en prenant le contre-pied de notre Marx préféré, le prénommé Groucho, qui disait : "Pourquoi m'inquiéterais-je pour les générations futures ? Qu'ont-elles fait pour moi ?"
La droite gagnerait à s'inspirer du "Plaidoyer pour l'altruisme" de Matthieu Ricard. Après que François Fillon eut récusé la règle du "ni ni" (ni PS ni FN) et appelé à voter pour "le moins sectaire", la guerre des ego a repris comme jamais au sein de l'UMP, qui offre un spectacle aussi ridicule que pathétique. Où sont les propositions sur l'économie, l'éducation, la santé ou l'Europe ? Non, c'est chacun pour soi, la défaite pour tous. On dirait un combat de nains dans un souterrain, j'allais dire une catacombe.

  1. "Aimez-vous les uns les autres" : même s'il est très connoté, ce devrait être le slogan des apparatchiks de l'UMP. Mais c'est sans doute trop leur demander.
1. NiL éditions.

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