TOUT EST DIT

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vendredi 20 septembre 2013

Après le Nutella, Marisol Touraine découvre le suicide

Pour Claire Gallois, la ministre de la Santé ne doute de rien en créant l'"observatoire des suicides".


En 2012, la ministre lançait une alerte sanitaire accusant le Nutella de dégâts alimentaires. Le petit pot exquis a cependant perduré au prix d'une taxe de 300 euros la tonne d'huile de palme - et sans obésité ajoutée aux enfants, comme elle le prédisait. Cette fois, elle convoque le destin et son double inséparable, la société. Elle ne doute de rien. Elle a créé officiellement le 10 septembre l'"observatoire des suicides". Elle s'attaque à un drame humain, philosophique, signe d'une souffrance intolérable. Le suicide n'est pas un choix, il s'impose lorsque la douleur dépasse la force de résister à celle-ci. Pudeur, pragmatisme ministériel, elle n'en dit pas un mot. Elle veut "améliorer la connaissance du phénomène, produire des recommandations dans la prévention". 
Inspirée, dans les grandes lignes du projet, par M. de La Palice (un quart d'heure avant sa mort, il était encore en vie), elle exprime l'espoir que le suicide mobilisera les pouvoirs publics autant que la sécurité routière. On ne voit pas trop le rapport, avant qu'elle ne dévoile ses chiffres. Plus de 10 000 personnes mettent fin à leurs jours chaque année, et 220 000 tentent la chose. Coût des suicides : 5 milliards d'euros par an. Coût bien supérieur à celui des victimes de la route. On comprend mieux. Elle a donc instauré une instance où siégeront 51 institutions et membres désignés, associations, chercheurs, personnalités qualifiées, caisses d'assurance maladie et parlementaires (encore une fournée de cumul des mandats). 

"Personnalités qualifiées"
Grosse tête et failure socialiste

On ne se posera pas de question sur le choix des "personnalités qualifiées" pour traiter du suicide et toucher des jetons de présence ni sur les honoraires éventuels du cabinet Technologia, expert dans la prévention des risques professionnels et qui, depuis longtemps, réclamait à Mme Touraine cet observatoire où il se montre très actif pour le promouvoir : "D'abord, il est important de remettre à jour les statiques sur le suicide, car celles dont nous disposons datent de deux ans. Et puis, il convient de lancer des études thématiques sur des enjeux croisés comme suicide et surendettement, ou suicide et désindustrialisation." 
Lui aussi est accro à La Palice. Avec les chercheurs, on se rapproche dangereusement de l'autopsie psychique, puisque Mme Touraine souhaite des "certificats électroniques de décès" qui porteront les mentions "chômage", "harcèlement" ou autres joyeusetés ayant mené à l'acte fatal, cela afin d'améliorer la précision des statistiques. Elle ajoute que "des progrès considérables ont été faits dans l'imagerie du cerveau et des neurosciences. Cela ouvre tout un pan de recherche dont pourrait bénéficier la suicidologie." On fera de l'IRM sur les morts ou sur les déprimés ? On ne sait pas encore. Il est aussi question d'une mallette "pour détecter les premiers signes de la dépression" et endiguer le taux de suicide des plus de 85 ans, qui est quatre fois plus élevé que pour le reste de la population.

"Soutien adéquat"

Faire le bien des gens malgré eux, c'est de la charité mal comprise ou de la naïveté qu'on préférerait ne pas prêter à ceux qui nous gouvernent. Mais rien n'arrête Mme Touraine dans la poursuite de sa réflexion consciencieuse. Aucun lieu commun ne la rebute. "Bien des suicides pourraient être évités grâce à un soutien adéquat. En cas de plan social, par exemple, le taux de suicide peut grimper, mais on ne possède pas de chiffres fiables sur cette question. Il convient donc d'en obtenir et de mettre en place un suivi des salariés concernés." Quoi ? Lequel ? Comment ? L'observatoire a déjà livré des indications - dont nous ne nous serions jamais doutés - sur les causes des suicides. Y figurent en bonne place la précarité, le chômage, les conditions de travail. 
Et c'est quoi, "le soutien adéquat" dans ces cas-là ? Bien des salariés suicidés ont laissé des lettres pour dénoncer le stress au rendement exigé par une politique dont les seuls objectifs sont les chiffres, ainsi qu'un climat de suspicion et de défiance. Le problème est que des lettres ne sont prises en compte que si le suicidé a commis son acte sur son lieu de travail. L'observatoire reconnaît que la crise joue un rôle nocif et destructeur. Qui l'eût cru ? Les remèdes préconisés ? Encourager les chefs d'entreprise à ne pas nier le malaise. Mettre en place des groupes de discussion. Renforcer la convivialité entre les salariés. Que ce soit dans une conversation de bistro ou de salon, tout le monde resterait bouche bée devant un tel discours. Pas sûr qu'il provoque des applaudissements. Enfin, Mme Touraine assure qu'elle mettra en place un suivi des suicidés... nous, bêtement, on croyait que c'étaient les pompes funèbres.

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