dimanche 5 mai 2013
La valse des têtes de Turc
La valse des têtes de Turc
On se demandait si Nicolas Sarkozy était fou. On se demande si François Hollande est nul. La presse et l'opinion publique jouent avec les présidents de la République comme avec des idoles qu'on adore avant de les abattre. Elles font semblant de croire un temps en leur majesté et en leur toute puissance, pour aussitôt après les rouler dans l'opprobre.
Aucun mot n'est alors assez cruel, en une des magazines ou dans les conversations, pour exprimer une déception qui n'attend plus maintenant que quelques semaines avant de déferler. Le prochain président sera sans doute détesté à la seconde même où il sera élu. Nicolas Sarkozy n'était pas fou, seulement trop agité, et François Hollande n'est pas nul, seulement trop coincé.
Le premier n'a pas jugulé la crise. Le second n'en prend pas le chemin. On peut sans doute les critiquer. Mais pour le faire avec cohérence, encore faudrait-il savoir ce qu'on attend d'eux et ce qu'on peut faire pour les aider.
Or, on demande à nos élus de résoudre la quadrature du cercle : augmenter le pouvoir d'achat sans ruiner les entreprises, baisser les impôts sans ruiner l'État, refuser les licenciements sans promouvoir la mobilité, refuser la mondialisation sans disparaître économiquement, réformer sans efforts, changer sans changements, s'adapter sans bouger. Les Français veulent une rigueur sans douleurs, des économies sans renoncements ; plus de justice, mais sans perdre leurs avantages. Ils voudraient devenir allemands sans cesser d'être grecs. La contradiction mène tout droit à l'angoisse et les Français ouvrent alors leur pharmacie pour avaler des anxiolytiques.
Et ils se mettent à détester très fort leur président. Le rendre responsable de tous les maux, c'est la meilleure façon de faire diversion, de cacher qu'on ne sait pas ce qu'on veut et qu'on lui demande tout et son contraire.
Le drame est que nos élites politiques sont complices. Nicolas Sarkozy avait compté sur sa politique de rupture pour faire repartir la machine économique et revenir la croissance ; mais sans prévoir de sacrifices et en bannissant, comme tous les autres avant lui, le mot même de rigueur.
François Hollande consent à demander des efforts, mais seulement aux plus riches, en sachant bien qu'ils seront insuffisants. Il ne décrit pas le chemin difficile du retour à la croissance. Il ne veut pas davantage que son prédécesseur évoquer la rigueur.
Comme lui, il veut éviter l'impopularité dans l'espoir d'être réélu. Mais comment éviter l'impopularité quand les Français veulent à la fois le redressement économique et l'immobilisme ? L'un et l'autre étant incompatibles, les Français auront l'un ou l'autre. Ils seront donc déçus, et le président impopulaire.
Les Français veulent une rigueur sans douleurs, des économies sans renoncements.
Ils voudraient devenir allemands sans cesser d'être grecs.
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