vendredi 17 mai 2013
Ce qu'il faut savoir sur l'entrée "officielle" de la France en récession
Le verdict de l'Insee est tombé: la France est officiellement entrée en récession après avoir enregistré une baisse de son PIB pendant deux trimestres consécutifs. Il s'agit en effet de la définition "technique" de la récession. Soit un recul de -0,2% au cours des trois premiers mois de l'année après une baisse similaire à la fin 2012.
Pierre Moscovici a aussitôt tenté de dédramatiser l'annonce. Non seulement, la récession n'est pas "une surprise", mais elle serait largement due à la conjoncture extérieure, et plus exactement à "l'environnement de la zone euro". De plus, elle ne changerait rien aux objectifs du gouvernement en matière de croissance et de chômage sur l'ensemble de l'année qui sont entièrement maintenus. Autrement dit: "circulez, il n'y a rien à voir".
De fait, la différence entre une croissance négative de 0,2% et une hausse de 0,1% - l'objectif affiché pour 2013 - ne change pas fondamentalement la situation de la France. On est dans l'épaisseur du trait, comme on dit. Et on l'est d'autant plus que ce trait est statistiquement très mouvant.
Pour preuve, la France a déjà connu la récession au premier semestre 2012... mais elle ne l'a pas su en temps réel. Il aura fallu attendre que l'Insee révise à la baisse ses estimations à la fin de l'année dernière pour apprendre que le PIB avait baissé au cours des deux premiers trimestres, réunissant ainsi les fameuses conditions "techniques" de la récession.
Autre illustration, en sens inverse, l'Insee nous a appris aujourd'hui que la croissance de 2011 n'avait pas été de 1,7%, comme on le disait jusqu'à présent, mais de 2%. Soit... 0,3 point de plus.
Mais le plus important n'est pas là. Car il est clair que ces révisions statistiques ne changent rien à la situation économique réelle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la notion de récession est très discutée. Et si les "deux trimestres consécutifs" de baisse du niveau de production constituent un repère simple, il existe d'autres indicateurs qui expriment mieux l'état de l'activité d'un pays.
Aux Etats-Unis, c'est ainsi le National Bureau of Economic Researchqui, depuis les années 1920, juge de l'entrée en expansion ou en récession de l'économie américaine en combinant plusieurs indicateurs, dont ceux du marché du travail.
Or de ce point de vue, la hausse continue du nombre des inscrits à Pôle emploi au cours des 23 derniers mois ne laisse pas de doute sur la tendance en France. Idem pour les destructions d'emplois salariés: leur nombre a en effet baissé au cours des trois premiers mois de l'année pour le quatrième trimestre consécutif.
Autre indicateur de conjoncture très suivi par les économistes, le niveau de l'activité du secteur privé du cabinet Markit. L'indice PMI qui le mesure est tombé en mars à son plus bas depuis quatre ans. Il s'est ainsi établi à 41,9, soit très loin du seuil de 50 qui sépare les périodes d'expansion des périodes de contraction. Là encore, le constat de l'entrée en récession n'est pas nouveau.
Si l'on ajoute à cela la panne de la consommation des ménages, moteur traditionnel de croissance française depuis 10 ans, et la baisse historique du pouvoir d'achat en 2012, on ne peut qu'être d'accord avec Pierre Moscovici: la récession n'est pas une surprise. Mais essentiellement parce qu'on y est confronté depuis longtemps.
En fait, le défi de la France est moins cette récession conjoncturelle que sa stagnation structurelle depuis quelques années. La croissance nulle de 2012 prolonge en effet le quinquennat de Nicolas Sarkozy au cours duquel le PIB n'aura quasiment pas progressé.
Le plus gros danger de la récession actuelle, c'est qu'elle accélère la fermeture d'entreprises et accentue la désindustrialisation en grande partie responsable de la perte de dynamisme du pays. A tel point que certains économistes comme Patrick Artus estiment que lacroissance potentielle de la France à seulement 0,7% par an! Le chiffre peut sûrement être discuté mais pas le constat que seules des réformes structurelles peuvent sortir le pays du marasme.
Et de ce point de vue, l'OCDE, le FMI et Bruxelles ne sont pas avares en conseils, le plus souvent à tonalité libérale, concernant la compétitivité, le marché du travail, les retraites, l'ouverture de certaines professions réglementées ou de certains marchés afin d'augmenter ce potentiel de croissance. François Hollande est manifestement prêt à donner certains gages. Reste à savoir si, parallèlement, le plan d'investissements sur 10 ans qu'il prépare sera à la hauteur de l'enjeu de la réindustrialisation de la France. Et si il concrétisera enfin sa promesse de campagne de favoriser une véritable initiative de croissance et d'investissements au niveau européen.
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