Entre les résultats économiques désespérément mauvais, les chiffres du chômage, et le mur des cons découvert dans les locaux du Syndicat de la magistrature, en passant par le voyage en chine qui se révèle catastrophique pour l’image de la France, la Hollandie ne s’en sort pas.
dimanche 28 avril 2013
Virage politique J-2 : la situation est-elle (enfin) assez grave pour que François Hollande ose affronter l'aile gauche de sa majorité ?
La panique a cette semaine envahi la Hollandie. Pas d’une façon hystérique comme le jour ou Jérôme Cahuzac a avoué son compte en Suisse. Ce jour-là, le ciel est tombé sur la tête des habitants de la Hollandie, champions de la vertu et de la morale. Cette semaine, ce n’est pas le ciel qui leur est tombé dessus, c’est la terre qui s’est dérobée sous leurs pieds.
Entre les résultats économiques qui sont désespérément mauvais, les chiffres du chômage, le mur des « cons » découvert dans les locaux du Syndicat de la magistrature et qui dévalue complètement l’image et le sérieux du pouvoir judiciaire, en passant par le voyage en Chine qui se révèle catastrophique pour l’image de la France, la Hollandie ne s’en sort pas, au point de se demander ce qui va lui arriver la semaine prochaine. Elle devrait être consacrée aux entrepreneurs. C’est a dire à l’essentiel.
"La situation est tellement désastreuse qu’elle pourrait théoriquement permettre à François Hollande d’annoncer lundi des vrais changements dans son organisation et surtout dans sa politique. Il n’aura pas le choix, et les troupes ne pourront pas s’y opposer". Ce proche du président, grand baron de province, qui a, comme quelques autres, refusé récemment de rentrer dans un gouvernement remanié, se veut optimiste. Il voudrait y croire mais un brin désabusé, il reste réservé sur sa probabilité : "Comme le président n’agit toujours que sous l’empire de la nécessité et attend que les décisions deviennent évidentes, on a une petite chance…" Puis d’ajouter aussitôt que "la situation n’est peut-être pas encore assez grave".
Et pourtant, la semaine été désastreuse dans tous les domaines, y compris à la communication présidentielle où les équipes ne s’entendent plus. Claude Serillon a de plus en plus de mal à faire marcher les différents collaborateurs, parce que tout le monde a son idée, ses recettes et ses entrées chez le président. Lequel ne dit jamais non !
En début de semaine, il pensait être sorti de qui était devenu une galère - la loi sur le mariage pour tous - et d’annoncer non sans soulagement "qu’il fallait désormais se consacrer à l essentiel, c’est-à-dire à l’économie". Mal lui en a pris, les milieux de gauche ont assez peu apprécié que l’une des réformes les plus emblématiques du quinquennat soit désormais rangée au magasin des accessoires, puisque "l’essentiel est ailleurs".
D’autant que "l’essentiel", comme il a dit, lui promet un débat violent au sein même de sa majorité. Il le sait et il l’appréhende. Depuis quelques semaines, la gronde contre l’austérité est montée au sein du parti, relayée par certains de ses ministres et notamment Arnaud Montebourg... Lundi dernier, le Premier ministre a cru bon d’organiser un séminaire avec les députés socialistes, mais ça s’est très mal passé. Le rapport avec les élus socialistes souffre d’un malentendu difficile à résorber. Les élus sont convaincus que nous vivons sous l’emprise de l’austérité et que cette austérité étouffe l’activité. Le malentendu vient qu'il n y a pas véritablement d’austérité en France. On en parle beaucoup mais on ne la fait pas. Ce n’est pas la rigueur ou l’austérité qui étouffe la croissance, mais la surfiscalité et l’excès de règlements.
Jean-Marc Ayrault a essayé une fois de plus de vendre la boite à outil pour créer des emplois de François Hollande, mais il n’a convaincu personne. Au point que Marie Noëlle Lehman, sénateur socialiste pure et dure, en est sortie en annonçant sur tous les plateaux de télévision qu’il existait une autre stratégie économique fondée sur un plan de relance de plus de 40 milliards financés par un emprunt national. Ce plan, mal vendu et surtout mal ficelé parce que totalement surréaliste et inefficace, n’a pas résisté 24hH à l’analyse. Même au Parti socialiste, on sait bien que la crise a définitivement tué Keynes.
Le Parti communiste et le Front de gauche, dont l’ambition est purement politique, ont néanmoins embrayé sur la critique de l’austérité mais ils n’ont surtout pas digéré l’abandon de l’amnistie des syndicalistes coupables de violence. "Encore une trahison", disent-ils. Alors qu'ils savent très bien que le gouvernement leur fait payer la non-signature par la CGT de l’accord sur la flexibilité de l’emploi. Si quelqu’un n’a pas tenu ses engagements dans cette affaire, c’est la CGT.
Ceci étant, le coup de colère passé, la CGT va sans doute passer à autre chose et renouer le dialogue. Le premier syndicat, dans une période aussi trouble, ne peut pas prendre le risque de déstabiliser le système ou de se mettre à l’écart. C’est un peu la mission du nouveau secrétaire général que de ramener le syndicat communiste dans le jeu social normal et responsable.
Du côté des écolos, ce n’est pas non plus la joie. Ils ressortent du débat sur le mariage pour tous un peu cabossés. Et gênés aux entournures. Ils y ont participé parce qu’ils sont en colocation avec la gauche, mais beaucoup d’entre eux reconnaissent qu’ils ont du mal a défendre l’idée d'une procréation assistée, ou à revendiquer l’autorisation des mères porteuses, alors qu’ils s’y opposent dans l’agriculture. Pas très naturelles toutes ces méthodes.
Les écolos sont beaucoup plus à l’aise avec le débat ouvert cette semaine sur la transition énergétique. Ca participe à l’idée que demain, il faudra utiliser une énergie renouvelable et surtout consommer moins. Derrière ce charabia post soixante-huitard se cache en réalité le débat sur la place du nucléaire dans le mixte énergétique et surtout, l’avenir possible de l’exploitation du gaz de schiste. Le débat a démarré à l’assemblée nationale mais il est biaisé dès le départ. Comment s’opposer à l’énergie propre et pas chère (comparée au gaz importé) que nous offre le nucléaire français sinon par des arguments purement idéologiques ou en agitant des peurs ancestrales ? Comment refuser la seule expérimentation du gaz de schiste, qui permet aujourd'hui le redressement et l’indépendance de l’économie américaine, sous le seul prétexte que la méthode d’extraction porte un risque de polluer les nappes phréatiques ? Les chefs d’entreprises concernés, les pétroliers, les gaziers , les distributeurs d’eau sont montés au créneau cette semaine pour réclamer au minimum le droit de mesurer le potentiel que ça représente.
Ce déficit de connaissances fait que les uns comme les autres parlent sans savoir de quoi ils parlent. Les écologistes raisonnables et responsables au contact de nos voisins européens, José Bové et Daniel Cohn-Bendit, qui sont au Parlement européen, reconnaissent qu’on n'est pas très sérieux de discuter sans chiffres ni études, quand on voit le profit qu' en tire le système américain. Entre les attaques contre le nucléaire (la fermeture de Fessenheim) et le rejet des expérimentations du gaz de schiste, beaucoup de socialistes commencent à dire tout haut que l’alliance avec les écologistes leur coute très cher en termes de croissance et d'activité.
Au cabinet de François Hollande, on se dit que plus la pression monte, plus il sera possible de changer de politique, sauf qu’on sait aussi que le changement ne pourra pas passer par le laxisme budgétaire mais par une libération (fiscale et sociale) des agents créateurs de richesse et d’emplois, c'est à dire les entreprises. Mais qu'à ce moment-là , les forces de gauche ne sont pas prêtes à avaler un tel changement.
François Hollande pensait pouvoir respirer un peu en partant mercredi soir en Chine. Sauf qu'en arrivant à Pékin, il s’est aperçu que l’affaire du « mur des cons » faisait des ravages dans l’opinion, ce qui l’a obligé a demander à Christiane Taubira de porter plainte ; ce qu’elle a fini par annoncer devant le Sénat, mais 48h après la publication de la vidéo par Atlantico. C’est-à-dire beaucoup trop tard. Beaucoup auraient voulu qu'elle réagisse de cette façon au sein même de l’Assemblée nationale la veille en répondant a Luc Chatel, mais à ce moment-là elle n’avait pas le feu vert. François Hollande et Jean-Marc Ayrault pensaient que l’affaire s éteindrait comme une plaisanterie de potache.
En arrivant à Pékin , il a aussi découvert dans les télégrammes que la libération des otages au Cameroun aurait fait l’objet d une rançon, ce que le gouvernement continuera de nier. N’ empêche que cette rumeur faisait désordre compte tenu des engagement pris par la France pour changer d’attitude.
Dans cette affaire, si rançon il y a eu, ce n’est probablement pas l’Etat français qui a payée, mais l’entreprise Suez que dirige Gérard Mestralet qui n’a fait aucun commentaires mais qui a toujours fait savoir que l’entreprise était pleinement responsable de la sécurité de ses salariés expatriés. Donc, l’Etat français n’aurait pas payé mais il aurait fortement encouragé l’entreprise à le faire. Cette affaire restera un secret d’Etat.
Autant dire que l’humeur à l’arrivée n'était guère enjouée, surtout que pour couronner le tout les chambres d’hôtel n'étaient pas prêtes et que les membres de la délégation ont été obligés d’attendre plusieurs heures.
Le voyage en Chine a été pour François Hollande une obligation épouvantable, à la limite de l’humiliation. La présence de Jean Pierre Raffarin, qui a pourtant ses entrées à Pékin, n’a pas changé grand-chose . En fait, les Chinois ont fait payer à François Hollande le fait qu'il ne soit jamais venu en Chine auparavant (pour eux, c’est inadmissible ) mais surtout ils ont voulu lui faire payer tout ce qu'il avait dit pendant la campagne présidentielle sur cette grande économie mondiale qui triche en permanence, qui utilise une monnaie dévaluée et surtout qui ne respecte pas les Droits de l’homme. Pour les Chinois, c’était inacceptable. Ils l’avaient d’ailleurs déjà dit, en refusant l’an dernier de recevoir Laurent Fabius, lequel avait dû faire marche arrière.
François Hollande s’est donc retrouvé coincé entre des promesses électorales que beaucoup lui rappelaient et une réalité économique qui l’obligeait à trouver un compromis. L’Europe a besoin de la Chine comme fournisseur à bas coût de produits manufacturés , elle en a besoin comme client pour des produits plus sophistiqués, elle en a besoin enfin comme investisseur.
Les dirigeants chinois veulent bien jouer le jeu, à une condition : qu' on ne vienne pas se mêler de leurs problème de gouvernance. Ce n’est pas le sujet, et ce n’est le sujet pour personne qui cherche à faire des affaires avec les Chinois. François Hollande est donc resté discret sur toutes les questions qui fâchent, mais ça n’a pas empêché les Chinois de faire remarquer que le président français n'est resté que 36 heures alors que Mme Merkel séjourne en général près d'une semaine et cela au minimum une fois par an avec plus de la moitié de son gouvernement.
François Hollande s’est donc retrouvé coincé entre Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, et Martine Aubry, qu' il avait missionnée officiellement en Chine pour l’occuper. Comme ces trois personnages ne s’aiment pas, on imagine l’ambiance. Laurent Fabius a donc passé plus de temps le nez dans les télégrammes diplomatiques et le téléphone à l’oreille. Martine Aubry s’est fait très discrète en refusant tout contact avec la presse. Quant au programme de la visite, il était singulièrement allégé. François Hollande était entouré de grands patrons qui travaillent énormément en Chine (Total, Areva , Veolia , etc. ), mais il ne parlait en bien que des PME françaises. Les PME de la charcuterie, de la boulangerie et des services. Sauf que les PME n’étaient pas du voyage.
Les patrons du CAC 40 ont eu le sentiment qu'ils n’étaient là que pour le décor et pour faire plaisir aux Chinois. Le résultat du shopping présidentiel en Chine est donc plus que décevant. La délégation française ne revient avec aucun contrat. Seul dossier à inscrire au tableau de chasse : une lettre d’intention d’achat de 60 Airbus. Personne n’a cru sérieusement qu'EADS avait besoin du chef d’Etat pour décrocher ce qui n’est qu'une intention d’achat.
François Hollande et son service de communication ont tout fait pour convaincre l’opinion française que le président se consacrait désormais au démarchage commercial auprès des Chinois. Le problème est qu’il n’est pas rentré avec moult contrats. La pêche est peu fructueuse. Le comble, c’est qu'au moment où le président de la République essayait de convaincre les investisseurs chinois de venir en France, en saluant leur dynamisme, son ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg vantait, lui, le « made in France » en se réjouissant des initiatives du groupe Renault pour protéger l’emploi dans les usines et de Carlos Ghosn, avec lequel il avait eu pourtant quelques mots. Il aurait pu attendre quelques jours.
Le monde de la PME ne se faisait guère d’illusion. Celles qui ont réussi en Chine sont le résultat d’aventures humaines et personnelles assez extraordinaires mais difficile modéliser.
Le monde de la PME française attend plus des assises entrepreneuriales que François Hollande doit clôturer lundi soir. Le résultat des travaux de plus de 300 chefs d’entreprise a été soumis au Premier ministre dès vendredi matin. Jean-Marc Ayrault a été surpris d’apprendre que la plupart des PME cherchent à embaucher des salariés en CDI mais ne trouvent pas les qualifications dont elles ont besoin. Pour le reste, les services de Matignon et ceux de Fleur Pellerin planchent sur le papier que lira François Hollande lundi soir. L’ idée serait d’offrir un choc de compétitivité à ces entreprises dont on sait bien qu’elles sont créatrices d'emplois. Le test sera la fiscalité.
Les PME ne toucheront pas grand-chose du crédit d’impôt promis dans le rapport Gallois. Elles ont donc réclamé des mesures spécifiques : l’abaissement de l’impôt sur les société à 15% sur la totalité des profits et la réduction de l’imposition des plus-values de cession. Mesures de libération et de flexibilité de l’emploi. Les patrons de PME-PMI me disent qu' ils ne se développeront que s’ils ont intérêt à le faire. "On ne crée des boites que si on a la garantie d'en tirer un profit, lequel profit permet de financer des acquisitions. On ne multipliera les embauches que si et seulement si on peut alléger les effectifs en cas de retournements de la conjoncture."
De l’avis du monde patronal, si François Hollande accepte le tiers des revendications qui ont été présentées, ce pays aura une chance de sortir de la crise. On le saura lundi. Mais pour reprendre le sentiment d’un des membres de la Hollandie , "pas sûr que la situation soit encore assez grave pour lui donner le courage d’affronter l’aile gauche de la gauche".
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