TOUT EST DIT

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jeudi 7 mars 2013

La réussite confrontée à l’arrogance


Scène anodine, avenue Montaigne, où l’on voit la vulgarité de l’argent roi discréditer la réussite des véritables décideurs…
Le restaurant où j’attends depuis quelques minutes, avenue Montaigne, relègue le Fouquet’s au rang de bouillon populaire. Le riche décor dans le goût un peu chargé de Süe et Mare vous donne le sentiment d’être installé dans la petite salle à manger des premières classes du Normandie. Un isolat luxueux dans une France maussade.
Le maître d’hôtel qui a cette tenue des grands liftiers d’autrefois m’indique ma table. D’un moment à l’autre, je dois être rejoint par un grand condottiere de l’audiovisuel français qui est parvenu à se tailler, en l’espace de quelques années, un empire médiatique considérable.
Pour l’heure, en face de moi, de l’autre côté de la salle, ce qui ressemble à une famille nombreuse est en train de s’installer. Un landau anglais chromé comme une voiture américaine, de très jeunes enfants donnent à la scène une note inattendue mais sympathique. Les adultes, eux, le sont déjà beaucoup moins. Le pater familias parle à haute voix. Il veut être écouté mais surtout entendu. Un jeune homme, peut-être un gendre, perdu dans un jean de grande marque, se lève pour répondre à des appels multiples en faisant les cent pas sous mon nez quand, enfin, l’arrivée de mon hôte me libère de ce va-et-vient incessant.
Le chef d’entreprise qui me rejoint a ce ton calme et posé qui est celui des véritables décideurs. Nous nous entretenons des équilibres fragiles d’un secteur industriel, l’audiovisuel, dont l’exiguïté économique est évidemment dissimulée par son immense visibilité. Il est soucieux. Il n’est malheureusement pas le seul…
En face de moi, les enfants commencent à s’agiter, courent d’une table à l’autre sous le regard navré d’un service impeccable pendant que les mères, elles, se perdent dans la contemplation extatique d’un amoncellement de sacs de shopping qui encombre les banquettes de velours rouge.
Une table vacille, un verre tombe, et là, dans un geste d’une incroyable brutalité, un des pères agrippe le bras de la nurse asiatique pour qu’elle fasse régner un ordre qu’il est lui-même incapable de faire respecter. La nurse baisse les yeux. Les enfants hurlent. Je reste sans voix.
L’homme qui est assis en face et qui ne voit pas la scène effarante en train de se jouer dans son dos incarne ces grandes aventures capitalistes qui font l’armature de notre économie. Derrière lui s’étale l’argent roi. Malheureusement, c’est à la réussite du premier que l’on veut aujourd’hui faire payer l’arrogance du second.

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