TOUT EST DIT

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dimanche 24 février 2013

Extrême, extrémisme

Extrême, extrémisme


Je ne sais pas si vous l’avez vous aussi remarqué, mais les mots « extrême » et « extrémisme » sont à la mode, s’imposant comme l’insulte de base dans le débat public, par exemple entre la représentante du fn et celui du ps lors de l’émission des paroles et des actes jeudi dernier, ou entre Montebourg et la société goodyear, et puis, à longueur de journée sur les sites Internet… Les injures classiques du genre « raciste, fasciste, stalinien, nazi » en paraissent même frappées d’obsolescence… Pourquoi me suis-je demandé ? La vie politique, médiatique évolue en permanence vers toujours plus de recentrage, de neutralité. La parole publique est de plus en plus aseptisée, neutralisée. Le discours politique tend vers l’uniformisation autour de la condamnation unanime du « capitalisme financier » et du « libéralisme économique », sur laquelle presque tout le monde s’accorde, commun dénominateur des partis politiques. Bien sûr, de sérieuses nuances subsistent sur divers autres sujets mais la marche vers l’uniformisation semble s’accélérer.
Imagine-t-on par exemple une personnalité gouvernementale de premier plan déclarer aujourd’hui : « Le fait majeur, qui domine les problèmes que nous rencontrons, tient à ce que la France n’est plus une terre d’immigration. Nous ne pouvons plus, en effet, recevoir un flux massif et incontrôlé sans que cela n’hypothèque gravement et tout ensemble d’abord l’équilibre social de la Nation, ensuite les chances d’intégration des étrangers installés, enfin l’avenir même de nouvelles vagues d’arrivants et des pays d’où ils viennent […] Mais nous sommes également à la veille, si nous n’y prenons garde, d’une nouvelle vague massive, venant d’un Sud plus lointain, d’un Est plus incertain. Et je le dis clairement cette vague doit être endiguée. Elle doit être endiguée par tous les moyens qui soient à la fois raisonnables et utiles, en conjuguant l’aide au tiers-monde sous toutes ses formes et en renforçant partout et constamment la maîtrise de nos propres frontières et, plus généralement, de celles de la Communauté européenne. » Or,ces propos sont tout simplement ceux du chef de gouvernement socialiste, Michel Rocard, devant l’Assemblée nationale le 22 mai 1990. Aujourd’hui, même les plus ardents pourfendeurs de l’immigration n’en diraient pas le quart… « Endigués ? » Vous vous rendez compte ! De tels mots  seraient vilipendés et tout le monde crierait au scandale. Pourtant, à l’époque, ils n’ont suscité aucun tollé, aucune indignation visible.
Cette tendance à  la neutralisation rampante du discours politico-médiatique se traduit par la condamnation de tout ce qui pourrait y échapper. L’extrême, l’extrémisme, c’est-à-dire ce qui est ressenti comme pas assez sage, modéré, neutre, devient le mal absolu, l’ennemi à abattre, même sans rapport avec le sens traditionnel de ces mots, s’appliquant à des mouvements qui prônaient l’abolition de la démocratie pluraliste. Voilà comment ils s’imposent aujourd’hui comme l’injure de base. Cependant, et c’est là que le bât blesse, la réalité, elle n’a jamais été aussi violente, aussi terrible, aussi extrême en un mot… Pour ne prendre que les événements de la semaine passée, deux drames absolus ont bouleversé les Français : l’enlèvement de cette famille avec quatre jeunes enfants par des djihadistes au Cameroun. Quoi de plus immonde, de plus atroce que de s’en prendre à des tout petits et à leurs parents? Et puis avant-hier, deux policiers massacrés par des criminels sur le périphérique. D’une part, un discours politico-médiatique toujours plus aseptisé ; d’autre part, un monde, une société de plus en plus invivables, monstrueux. Jusqu’où la divergence, le grand écart peuvent-ils perdurer ? Nous sommes tous à nous interroger, au fil des billets et des commentaires, sur le décalage croissant de la classe politique actuelle avec la réalité. Le premier des hommes politiques, même parti de rien, qui au rebours de tous les autres,  aura l’intelligence et le courage de jeter une passerelle entre le monde tel qu’il est, avec toute sa violence et son injustice, et le discours politique, débouchant sur l’action concrète bien entendu, s’imposera dans l’estime et le coeur des Français aujourd’hui déboussolés.

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