À l’évidence, si le socialisme favorise les individus qui n’utilisent pas, ne produisent pas, n’épargnent pas, et n’échangent pas les ressources, il augmente les coûts que doivent supporter ceux qui utilisent, produisent, épargnent et échangent ces ressources. Il est aisé de comprendre pourquoi un nombre restreint de personnes serait alors disposé à remplir ces rôles-là. Les ressources naturelles seront moins convoitées, moins de nouveaux biens d’équipement seront produits, moins d’échanges se feront. Les individus deviendront moins prévoyants pour l’avenir parce que les débouchés se tariront. L’épargne et le travail seront découragés, alors que la consommation et le loisir seront encouragés.
Cela doit contribuer à réduire la quantité de biens de consommation disponibles pour les échanges, ce qui réduit le niveau de vie de chacun. Si les individus sont disposés à prendre des risques, la solution pour eux est alors de s’adresser au marché noir.
Deuxièmement, le socialisme est inefficace : il crée des pénuries et des gaspillages extraordinaires. Telle fut l’intuition de Ludwig von Mises, qui découvrit que le calcul économique rationnel est impossible en régime socialiste. Il démontra que sous un tel régime, les biens d’équipement sont utilisés, au mieux, pour satisfaire des besoins de second ordre, et, au pire, pour produire des biens totalement inutiles.
L’intuition de Mises est simple, mais d’une importance capitale : aucun prix ne peut être établi pour les biens de production, en raison de l’inexistence de marchés sur lesquels ces biens pourraient être vendus ou achetés. Le bureaucrate socialiste est donc incapable de déterminer le coût monétaire de l’utilisation des ressources ou des changements dans la longueur des processus de production. Il est également incapable de comparer ces coûts avec le revenu monétaire des ventes. Il n’est pas en mesure d’accepter les offres que d’autres producteurs proposent pour acquérir ces moyens de production, de sorte qu’il ne peut pas connaître le coût d’opportunité de leur utilisation. Sans cette connaissance, il ne peut pas évaluer ses coûts. Il est même incapable de savoir si ses méthodes de production sont efficaces, désirées, ou rationnelles. Il est incapable de savoir s’il satisfait les besoins les plus urgents des consommateurs.
En régime capitaliste, les prix monétaires et les marchés libres fournissent cette information aux producteurs. En régime socialiste, en revanche, il n’existe aucun prix pour les biens d’équipement et aucune opportunité d’échange. Le bureaucrate opère à l’aveugle. Ignorant donc le statut de sa stratégie de production, il est incapable de l’améliorer. Moins les producteurs sont en mesure de calculer et de perfectionner leurs méthodes, plus il est probable que des surproductions ou des pénuries apparaissent. Et le dilemme auquel fait face le producteur est pire encore lorsque le marché pour ses produits est très étendu. Il n’est guère besoin de le souligner : lorsqu’est absent le calcul économique rationnel, la société s’appauvrit progressivement.
Troisièmement, le socialisme conduit à une surutilisation des facteurs de production, au point qu’ils se détériorent et sont endommagés. Un propriétaire capitaliste a le droit de vendre son facteur de production à tout moment, et de conserver les revenus de la vente. Il est donc dans son intérêt d’éviter que la valeur de son capital s’amoindrisse. Parce qu’il en est propriétaire, son objectif est de maximiser la valeur du facteur qu’il utilise pour produire les biens et les services qu’il vend.
Le statut du bureaucrate socialiste est entièrement différent. Il ne peut pas vendre son facteur de production, il n’a donc aucune incitation à ce qu’il conserve sa valeur. Il a plutôt intérêt à maximiser le rendement productif de son facteur de production, en négligeant sa perte de valeur. Si le bureaucrate socialiste prend conscience qu’il est possible d’employer les moyens de production à des fins personnelles (comme la production de biens à destination du marché noir), il est alors incité à augmenter la production aux dépens de la valeur des biens d’équipement. Quelle que soit la façon dont on aborde la question, en régime socialiste, où la propriété privée est absente et les marchés inexistants, les producteurs seront incités à consommer la valeur des capitaux en les utilisant à l’excès. La consommation du capital conduit à l’appauvrissement.
Quatrièmement, le socialisme conduit à une réduction de la qualité des biens et des services offerts aux consommateurs. En régime capitaliste, une entreprise ne peut survivre et croître qu’à condition de couvrir ses coûts de production. Et puisque la demande pour les produits de l’entreprise dépend de l’évaluation que font les consommateurs du prix et de la qualité (le prix étant une composante de la qualité), la qualité du produit doit être une préoccupation constante des producteurs. Cela n’est possible que si sont respectés les échanges marchands et la propriété privée.
Cela n’est pas le cas en régime socialiste. La propriété collective s’applique non seulement aux moyens de production, mais également aux revenus dérivés de la vente des biens et des services. Autrement dit, les revenus du producteur ne sont pas dépendants de l’évaluation que font les consommateurs de son produit. Tous les producteurs, naturellement, en sont conscients.
Le producteur socialiste n’a aucune raison de faire l’effort d’améliorer la qualité de son produit. Il consacre moins de temps et d’énergie à la production des biens que désirent les consommateurs, et plus de temps à ses loisirs. Le socialisme est un système qui incite les producteurs à la paresse.
Cinquièmement, le socialisme conduit à la politisation de la société. Il n’y a guère de conséquences plus néfastes pour la production de richesses.
Le socialisme, du moins dans sa version marxiste, prétend vouloir atteindre l’égalité parfaite. Les marxistes soulignent qu’autoriser la propriété privée des moyens de production revient à autoriser les différences. Si je suis propriétaire de la ressource A, alors vous n’en êtes pas propriétaire, et notre relation à l’égard de A devient différente et inégale. Les marxistes prétendent qu’en abolissant la propriété privée d’un seul coup, tous les hommes deviennent copropriétaires de toutes les ressources. Cela reflète l’égalité naturelle qui doit exister entre les hommes.
La réalité est très différente. Faire de tous les hommes les copropriétaires de toutes les ressources ne résout que nominalement le problème de l’inégalité face à la propriété. Cela ne résout pas le véritable problème sous-jacent : il subsiste des différences en termes de pouvoir de contrôle sur l’utilisation des ressources.
En régime capitaliste, le propriétaire d’une ressource peut l’utiliser comme il l’entend. Dans une économie socialisée, cela n’est pas le cas, car la propriété est abolie. Mais le problème du contrôle ne disparaît pas pour autant. Qui décide de l’utilisation qui doit être faite des ressources ? En régime socialiste, les désaccords sur le contrôle des ressources ne peuvent être résolus que d’une seule façon : par l’imposition autoritaire d’une volonté. Aussi longtemps que des désaccords subsistent, des moyens politiques seront utilisés pour les résoudre.
La seule façon d’accroître son revenu dans un régime socialiste, c’est de gravir les échelons de la hiérarchie bureaucratique. Cela requiert de l’habileté politique. Dans un tel système, moins de temps et d’énergie sont consacrés au développement des compétences productives, et davantage à cultiver les talents politiques.
À mesure que les individus cessent leurs activités productives, leur personnalité change. Ils ne cultivent plus leur capacité à anticiper les situations de rareté, à saisir les opportunités productives, à être attentifs aux possibilités technologiques, à anticiper les variations de la demande des consommateurs, à développer des stratégies de commercialisation. Il n’est plus nécessaire pour eux d’initier des projets, de travailler, de satisfaire les besoins d’autrui.
En revanche, ces mêmes personnes développent la capacité d’attirer les faveurs du public par la persuasion, la démagogie, l’intrigue, par les promesses, la corruption, et la menace. Le succès personnel en régime socialiste exige des compétences très différentes de celles que requiert le succès personnel en régime capitaliste. Au sommet de la hiérarchie socialiste, se trouvent des personnes incompétentes aux postes qu’elles occupent. La bêtise, l’indolence, l’inefficacité, l’indifférence, ne sont pas des obstacles au succès du bureaucrate. Seules les compétences politiques importent. Cela contribue à l’appauvrissement de la société.
Les États-Unis ne sont pas totalement socialisés, mais les conséquences désastreuses d’une société politisée se font déjà sentir, à mesure que nos hommes politiques continuent d’empiéter sur les droits des propriétaires. Tous les effets appauvrissants du socialisme sont bien présents aux États-Unis : des niveaux moindres d’investissement et d’épargne, une mauvaise allocation des ressources, une utilisation excessive et une détérioration des facteurs de production, une qualité moindre des biens et des services. Et tout ceci n’est qu’un avant-goût du socialisme total.
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