A l'occasion de la manifestation contre le mariage homosexuel ce dimanche, Frigide Barjot jouit d'une importance médiatique dont elle profite pleinement.
lundi 14 janvier 2013
De quel vide politique l’ascension de Frigide Barjot est-elle le reflet ?
François Belley : Frigide Barjot est d’abord ce qu’on appelle une bonne « cliente ». D’aucuns reconnaissent en effet que le personnage est détonnant. Elle sait se mettre en scène et assurer au bon moment le fameux « spectacle » que les journalistes -quête de l’audimat oblige- attendent toujours sur les plateaux TV. T-shirts à slogans, jupes courtes, tutoiement systématique, attitude franchement décontractée, prises de positions décalées, Frigide Barjot connait manifestement la (bonne) nourriture médiatique, la force des images tout en ayant toujours le sens des formules chocs pour faire mouche. Chez elle, tous les ingrédients sont là.
Avec les journalistes, celle qui se définit comme « l’attachée de presse catholique » s’est d’ailleurs inscrite depuis peu dans la relation suivante : « J’assure le show. Et vous assurez mon existence médiatique donc politique en quelque sorte ». C’est du donnant-donnant ou plutôt du gagnant-gagnant et ce pour les deux parties. Assurément, Barjot est devenue un produit médiatique dans l’air du temps. Ensuite, à l’image de son pseudo, le style de Frigide Barjot est en rupture totale avec l’univers tradi et catholique qu’elle est censée incarner. Frigide Barjot a su en effet prendre le contre-pied de l’austérité reconnue de Christine Boutin et faire du « conservatisme cool » son positionnement stratégique. Cette opposition permanente qu’elle incarne et nourrit actuellement rend son personnage atypique donc forcément attractif aux yeux des médias et de son cœur de cible à droite. Sur un tel sujet sociétal, ça la positionne donc comme une figure de proue nouvelle et sensiblement différente. Ça plait, ça ne plait pas, là n’est pas la question. Force est de constater qu’elle sait et fait bien parler d’elle.
Son absence d’étiquette (pour l’heure) et son profil non politiques font surtout partis de ses forces actuelles lesquelles lui permettent, en plus d’une liberté de ton, de créer l’adhésion autour d’elle et de fédérer au-delà des partis. Ainsi, sa communication est astucieuse. On a l’impression d’avoir à faire à un nouveau type « d’Homme politique » avec une façon de faire de la politique totalement différente. Astucieuse, Frigide Barjot a surtout su faire d’un positionnement franchement « anti » un mouvement positif même festif avec la promesse de la manif « pour tous ». Pour autant, son ascension médiatico politique pose la vraie et seule question à mon sens du vide politique qu’elle est venue combler. Et donc de sa légitimité sur un sujet société jugé pourtant majeur au yeux du gouvernement en place. Reflet de la société spectacle où le signe l’emporte trop souvent sur le sens, l’omni présence et le poids démesuré de Frigide Barjot sur cette proposition gouvernementale vient une nouvelle fois démontrer la crise du politique et mettre en lumière l’absence de personnages majeurs dans l’offre actuelle.
Frigide Barjot va surtout continuer de nourrir son personnage. Autrement dit, continuer sans relâche à « vouloir trop en faire ou à parler trop franchement ». Car c’est son fonds de commerce, tout simplement. Chez elle, le « trop » est la norme. C’est ce qui attire en effet l’attention et suscite de l’intérêt. Ainsi, une normalisation à terme du personnage la ferait rentrer de facto dans le costume moins rosé et plus « moulé » du politique. Moins intéressant pour elle donc. Elle perdrait en effet tout ce qui fait aujourd’hui sa valeur ajoutée pour certains. Son personnage haut en couleur pourrait en revanche insuffler à terme une dynamique et, en cas de trop plein, passer le relais à un autre personnage aussi médiatique mais cette fois plus politique.
L’avenir et le poids « politique » de Frigide Barjot sont évidemment liés à la réussite ou non de cette manifestation, de la dynamique qu’elle saura ou non créer ces prochaines semaines mais surtout de son impact sur le projet de loi du Gouvernement. Il est évident que Frigide Barjot rêve en secret de rééditer le coup de 1984 lorsque la droite mobilisée dans la rue avait su faire reculer le gouvernement de Mitterrand sur le projet de loi sur l’école privée. Aussi, un retour en politique n’est pas totalement à exclure pour celle qui fit Science Po et qui s’est présentée -rappelons le- aux élections municipales de 2008 à Paris. Celle qui publia en 2011 « Confessions d’une catho branchée » pourrait aussi en profiter pour changer l’image de l’église catholique en devenant par exemple la nouvelle égérie de sa prochaine campagne publicitaire. Puisqu’elle aime plus que tout être dans la lumière.
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