1415-1453 ÉPILOGUE DE LA GUERRE DE CENT ANS. Maniant avec talent la diplomatie comme l'artillerie, Charles VII chasse les Anglais qui avaient conquis la majeure partie du territoire français, mettant ainsi fin à cent seize ans de conflits.
Brusquement, il fut réveillé par le bruit de la lance d'un page tombant sur un de ses voisins. Charles dégaina alors son épée et se lança contre sa suite en hurlant à l'assaillant. Son frère Louis d'Orléans dut fuir pour éviter son agression. Médusés, ses serviteurs tentèrent de le maîtriser et quatre hommes moururent avant qu'il ne soit pris, ligoté et allongé sur un chariot où il perdit connaissance.
Il fallait se rendre à l'évidence : le roi de France était devenu fou. Et son mal irait grandissant, ouvrant une vacance au sommet de l'Etat, d'où allaient naître la division, la discorde, puis l'invasion et l'occupation. A la faveur de cette impuissance nationale, les Anglais entreraient en France comme dans du beurre.
Car le gouvernement se divise alors entre des partis et des clans dont les noms sont entrés dans l'histoire : les Armagnacs et les Bourguignons. Chacun d'eux veut exercer le pouvoir au profit de sa clientèle et de ses proches. Assassinats, trahisons et disgrâces se poursuivent si bien que les souverains anglais comprennent l'opportunité de reprendre les armes et, sous prétexte de querelle de succession à la couronne de France, de se lancer dans une nouvelle session de pillages et d'extorsions de fonds.
C'est ainsi que, en octobre 1415, sous le commandement d'Henri V, une petite armée de 6 000 soldats anglais a débarqué en Normandie, près de Harfleur. Sous le commandement du connétable de France Charles d'Albret, une troupe de 30 000 hommes, la fine fleur de la chevalerie, doit lui barrer le passage et la détruire. Ainsi le jour de la Saint-Crépin, si bien décrit par Shakespeare, les deux forces se font face.
A la fougueuse charge de la cavalerie lourde française répondent les flèches des archers anglais. Avant même la mêlée, la première ligne française est liquidée à distance par les tirs ennemis. Le soir de la bataille d'Azincourt, le roi d'Angleterre Henri V a gagné son hégémonie sur les deux royaumes. Par le traité de Troyes, en 1420, il est officiellement reconnu successeur de son nouveau beau-père, Charles VI, le fou. Mais il meurt avant ce dernier.
Bientôt, son fils Henri VI, tout juste âgé de 9 mois, devient roi de France et d'Angleterre. La majeure partie du territoire est soumise aux Anglais. Le pays connaît une forme d'occupation, la guerre civile fait rage, quand ce n'est pas l'anarchie, les petits seigneurs en profitant pour régler de vieux comptes ou détourner des terres et des revenus à leur profit. Paris, dominé par le parti bourguignon, est un soutien constant à la couronne anglaise.
Quelques princes refusent cette situation et, en particulier, l'héritier direct de Charles VI, le dauphin Charles, qui rejette le traité de Troyes, et trouve refuge dans la région Centre, avec Bourges pour capitale. Disons-le haut et fort : Charles, septième du nom, a été un très grand roi et la clé principale de la renaissance du royaume de France.
Habile stratège, il s'est lancé dans une politique de reconnaissance diplomatique sans précédent. Il a aussi compris mieux que d'autres la puissance nouvelle de l'artillerie pour reconquérir les villes. Il a su enfin s'entourer de serviteurs dont la fidélité lui a permis de compenser l'avidité des grands clans qui composaient son entourage.
Si nous avons de lui une image si piètre, c'est bien parce qu'il a mis au pas les Bourbons, ce que les rois issus de cette branche ne lui pardonneront pas. Et, pour les historiens républicains, il sera détourné en symbole du ridicule monarchique. Pourtant, Charles VII a su trouver de nouvelles troupes, réorganiser l'Etat et retourner lentement cette situation ahurissante à son avantage.
Trois personnalités vont incarner les voies du redressement. La première est une toute jeune femme, Jeanne d'Arc ; le deuxième, un financier, Jacques Cœur ; et le troisième, un ennemi, Richard, duc d'York.
Jeanne, déjà appelée «la Pucelle» de son vivant, porte dès son apparition le formidable travail de recomposition de la légitimité royale de Charles. Elle s'inscrit dans une série de prophètes et d'inspirés qui affirment l'existence d'un lien privilégié entre le roi et Dieu. Le sacre de Reims auquel Jeanne conduit le dauphin est la manifestation directe de cette idée, tout comme l'usage de sa bannière au combat. La capture de la jeune fille, son procès calamiteux et son exécution sur le bûcher n'arrêtent pas la machine de propagande du roi, qui transforme la jeune victime des Bourguignons et de leurs alliés anglais en martyre d'une foi réaffirmée dans la lignée royale française.
RÉORGANISATION ÉCONOMIQUE
Richard d'York, enfin, qui combattit en France contre Charles VII, devait lui fournir indirectement le meilleur moyen de stabiliser la reconstruction française, en déclenchant tout simplement la guerre civile outre-Manche. En effet, c'est à la faveur de la guerre des Deux Roses, celle de la maison d'York et celle de la maison de Lancastre, autrement dit d'Henri VI et son clan, que le roi de France peut achever la reconquête et l'unification du territoire, ne laissant plus que Calais à l'Angleterre. Finalement, les trente années d'hostilités intestines anglaises achèvent un conflit de cent ans, dont la phase la plus critique entre 1420 et 1453 était elle-même le résultat de la guerre civile française.
* Olivier Bouzy est directeur du Centre Jeanne-d'Arc. Son prochain ouvrage, «Jeanne d'Arc en son siècle», paraîtra en janvier 2013 chez Fayard.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire