En appelant l'enseignement catholique à respecter la neutralité dans le cadre du débat sur le mariage gay, Vincent Peillon est accusé par une partie de la droite de "rallumer la guerre scolaire". Comment en est-on arrivé là?
lundi 7 janvier 2013
Peillon et l'école catholique: une question plus politique qu'éducative
Le gouvernement n'avait sans doute pas besoin d'une nouvelle polémique. En rappelant à l'enseignement catholique son obligation de neutralité, Vincent Peillon a déclenché une petite tempête, à quelques jours de la manifestation du 13 janvier contre le mariage homosexuel.
Les relations entre Vincent Peillon et l'enseignement catholique étaient jusque-là apaisées. La campagne présidentielle lui avait donné l'occasion de s'exprimer sur ce point. Peillon, responsable du pôle éducation de Hollande, pourfendait alors les "intégristes" de la laïcité, et défendait une gestion mesurée des relations avec l'école privée. Pas question par exemple de revenir sur la loi Carle de 2009 (qui garantit la parité de financement entre les écoles publiques et privées accueillant des élèves scolarisés hors de leur commune) comme le réclamaient depuis des années les associations laïques.
Six mois plus tard, l'heure est à la radicalisation, dans les deux camps. Du côté du ministère d'abord, pressé par ses partenaires syndicaux, Unsa, en tête, qui a fait de la défense d'une laïcité radicale sa marque de fabrique. "La pression des laïcs purs et durs est très forte", assure Bernard Toulemonde, ancien directeur au ministère de l'Education nationale. En demandant aux rectorats la plus grande vigilance quant à l'organisation de débats sur le mariage homosexuel dans les établissements catholiques, Vincent Peillon se glisse dans un rôle qu'il affectionne, celui du hussard noir Troisième République. Mais les temps ont changé. "La lettre de Peillon a envenimé le climat. C'est une échauffourée grave, une maladresse du gouvernement qui témoigne d'un manque de maturité vis-à-vis des relations avec l'enseignement privé", témoigne-t-on au secrétariat général de l'enseignement catholique.
Dans cette affaire, l'enseignement catholique n'a pas non plus fait preuve de mesure. "L'enseignement catholique est en désaccord avec une évolution législative ouvrant le mariage et la parentalité aux couples homosexuels", explique l'institution dans une lettre aux établissements datée du 12 décembre. Ce courrier que l'enseignement catholique a pris soin de diffuser par communiquéillustre bien sa reprise en main par les évêques, qui s'en étaient désintéressé dans les années 1980/1990. "Cette lettre est signée par Claude Berruer, l'homme lige du Vatican au secrétariat général. Il s'agit là de rappeler la doctrine de l'Eglise et de faire pression sur les élèves", juge Bernard Toulemonde, fin connaisseur de l'enseignement catholique. Dans un contexte de large déchristianisation, les écoles privées sont un terrain de prosélytisme pour l'Eglise qui vient de lancer un mouvement de "nouvelles évangélisations".
Avec son rappel à l'ordre à l'enseignement catholique, Peillon pousse-t-il dans la rue les défenseurs de l'école libre, dont la dernière mobilisation, en 1984, avait conduit à la démission du ministre de l'Education de François Mitterrand? "Le contexte et le climat n'ont rien à voir", objecte Bernard Toulemonde. "Il ne s'agit pas pour nous de ranimer la guerre scolaire: après la lettre de Vincent Peillon aux recteurs, Eric de Labarre, le secrétaire général de l'enseignement catholique a revu sa position", assure-t-on dans l'entourage du ministre.Qu'importe le mal est fait. L'opposition s'est emparée du sujet: samedi dans Le Figaro, Laurent Wauquiez a dénoncé les propos "scandaleux" de Peillon, qui chercherait "à faire culpabiliser les chrétiens".
La question des relations entre l'Education nationale et l'enseignement privé est de fait plus politique qu'éducative. Nicolas Sarkozy en avait même fait un élément de son argumentaire de campagne, lançant à Laurent Fabius lors d'un débat télévisé: "Souvenez-vous de François Mitterrand et de l'école libre. Souvenez-vous de ce blocage."
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